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SOIRÉES PHILO 2005 - 2006
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Librairie
Anagramme, Sèvres |
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Daniel
Sibony,
Avec Shakespeare, Seuil, coll. Points Essais,
Paris 2003 |
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Extraits :
Macbeth : La tragédie de
Macbeth est celle d'un homme confondu par son destin.Vous
rencontrez un signe de votre destin, une image qui vous fait
signe, vous êtes tenté de le prendre en main,
ce destin; de le réaliser; de prendre la suite; et
vous êtes soudain "confondu", comme par un
aveu, empêtré dans une cascade d'aveux et perdu
dans vous-même. Pourtant vous vous dites : ces appels
qui me font signe, qui témoignent de moi et de ce qui
m'est "destiné", il faut bien que j'y mette
la main, que j'y donne un coup de pouce, sinon devrai-je attendre
passivement que mon destin se réalise? sans moi? comme
s'il était déjà tout écrit d'avance?
Et s'il ne réalisait alors que ma passivité?
en m'annulant?
Le destin, cette correspondance littérale où
nous sommes avec les forces chaotiques et rigoureuses qui
nous portent et nous déportent; le destin inclut la
façon qu'on a de l'approcher, de prendre contact avec.
Cette approche elle-même, grande ouverte sur l'inconnu,
peut l'infléchir, donc elle en fait partie; en fera
partie après coup, si toutefois il y a un coup, si
le coup arrive à partir. Car c'est bien la question
: si nous sommes pour quelque chose dans ce qui nous arrive,
cette part peut-elle se "mesurer"? sa mesure ou
sa démesure est-elle donnée à l'avance?
ou y a-t-il seulement une onde de possible dont les après
coups auront lieu ou pas? Quelque chose, une voix, une voix
ensorcelleuse vous dit que vous serez "roi". Vous
faut-il alors passer à l'action ou laisser venir? honorer
ce signe en le laissant se signifier, ou l'honorer en l'inscrivant
soi-même? peut-on être à la fois aux deux
bouts de son destin? à la fois lecteur et scripteur?
en train de déchiffrer, et en train de forcer le destin,
ou d'inscrire certains chiffres qu'on entrevoit? |
Ce type de questions, nullement oiseuses, fait toute la
trame de Macbeth, qui est aussi le rapport quotidien de
chacun à son destin : il voit poindre des fantasmes,
des possibles, de vagues promesses, il saute dessus, parfois
"ça marche", souvent ça explose,
ou ça marche juste assez pour exploser, et il se
retrouve déchet de lui-même, plus ou moins
détruit, jusqu'à la prochaine fois, sauf si
c'est la dernière après laquelle tout est
"trop tard"...
Alors ce "quelque chose" qui vous est suggéré,
faut-il l'agir ou le rêver? l'interpréter peut-être?...
Parfois ça vous fixe, sur place, ça vous hypnotise;
parfois ça vous "retient" sans vous fixer;
au contraire ça vous fait errer; ça tourne
à l'angoisse. Pour Macbeth ce signe qui l'hypnotise
va le noyer dans un abîme de culpabilité et
d'angoisse; (mélange rare et détonnant quand
la proportion y est). L'angoisse ce n'est pas seulement
de sentir autour de soi des forces de désir inquiétantes
car on ne sait qu'en faire; c'est d'être le jouet
de soi-même, traîné et enlisé
dans les méandres de sa vie comme un déchet,
un déchet de soi; c'est de choisir la route évidente
et d'y être indéfiniment contré, indéfiniment
contrarié, par soi-même et par ce Rien qui
prend toujours la même forme; c'est d'y être
tellement usé, abusé, malmené, qu'on
n'existe même plus assez pour se sentir agressé.
Le féminin dans Macbeth
est écrasant.
Il y a les sorcières, formes multiples du féminin
en proie à sa question, à son génie
de l'engendrement, dans le réel et l'illusion. Le
féminin qui bute sur la parole; la parole qui bute
sur le réel.
Et il y a Lady Macbeth, droite, implacable sur la parole
à graver; sur la parole qui fait loi. A sa manière
elle réengendre son homme comme un stylet sanglant
qui inscrit la parole-loi. Lady Macbeth c'est la parole
faite corps, le désir de l'acte qui consumme le désir;
de l'acte qui laisse le monde dénudé et les
êtres réduits à eux-mêmes. Ce
meurtre serait-il l'enfant qu'elle a conçu avec son
homme, l'enfant qu'elle n'avait pas? De fait, elle a eu
un enfant, elle a allaité. Peut-être n'a-t-elle
pas eu d'enfant avec lui. Mais son homme est aussi un enfant
pour elle, enfant dont la nature "est trop pleine du
lait de la tendresse humaine pour saisir le chemin le plus
court"; enfant dont elle redoute la droiture, la sainteté
("ce que tu veux hautement, tu le veux saintement");
elle craint sa peur, la fragilité de son désir...
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