|
Europe Éducation École
Bernard
Bourgeois, La raison moderne et le droit politique,
Librairie
Vrin, Paris, 2000, 290 pages.
Nous remercions vivement la Librairie
Vrin de nous avoir accordé l’autorisation de
reproduire ici, gracieusement, ce texte destiné à
l’usage exclusivement pédagogique des partenaires
du projet Europe, Éducation,
École. - Tous droits réservés. |
Lire un extrait du chap. XVI :
Être
Européen,
une citoyenneté difficile, (PDF), ou (RTF) |
Lire ci-dessus un extrait sur
"la tâche... dont l'Europe
puisse se charger" |
|
Si la raison moderne, déclarée
en son principe par Descartes comme libre affirmation personnelle
de l’universel, généralise son application
avec le projet rousseauiste d’une politique de la liberté,
c’est dans l’écartèlement reconnu
entre le volontarisme moral de celle-ci et le constat de son
destin historique négatif. Depuis les deux révolutions
marquées par l’héritage de Rousseau, celle,
pratique, de 1789, et celle, théorique, de Kant, le développement
de la raison politique moderne est ordonné à la
fondation et à la détermination nouvelle d’un
droit essentiellement républicain.
Les études composant le présent recueil analysent
les divers aspects et moments d’une telle raison politique
moderne, de leur socle doctrinal à leur insertion historique.
On s’est interrogé notamment sur la signification
concrète revêtue par eux dans le contexte essentiellement
français, mais également européen
et mondial. Bernard Bourgeois, Professeur
d'Histoire de la philosophie à l'Université de
Paris I, s'est consacré à l'étude de la
pensée allemande, de Kant à Marx, partticulièrement
à son moment hégelien. Être
Européen, une citoyenneté difficile
(PDF), (RTF),
pp. 240-247 |
« La tâche…dont
l’Europe puisse se charger »
« Le ciment de toute réunion de termes divers
étant la réunion de chacun d’eux avec
l’Un, la constitution d’une volonté universelle
par les volontés particulières reposant sur
l’affirmation de l’universel par chacune de celles-ci,
c’est-à-dire, dans le domaine pratique objectif,
sur l’affirmation du droit, l’Europe, témoin
culturel privilégié de l’universel, de
la raison, peut, et alors doit favoriser indirectement
sa propre unité politique en contribuant à la
rationalisation culturelle des communautés étrangères.
Au plus loin de tout néo-colonialisme – car l’instruction
est la grande émancipatrice –, l’Europe
a vocation d’aider tous les peuples à réaliser
en eux les conditions, d’abord matérielles, de
l’instruction des hommes. C’est dire qu’elle
ne saurait se faire la complice de la fixation, à l’intérieur
ou à l’extérieur d’elle-même,
des différences, ou, comme l’on dit aussi, des
identités, culturelles ; contre la dérive régionaliste,
elle doit rappeler que la différence culturelle ne
vaut que négativement, comme le style nécessairement
différent selon lequel elle se nie elle-même
en s’efforçant vers l’identité,
comme la manière dont chaque particularité s’élève
elle-même à l’universel. Une telle tâche
consiste, au terme, à contribuer au développement
philosophique des hommes et de leurs communautés, c’est-à-dire
à accomplir pratiquement le thème husserlien.
Voilà la tâche la plus universelle, donc la plus
européenne, dont l’Europe, pour se construire
elle-même, puisse se charger. De son succès,
toujours incomplet, car l’affirmation de la raison,
de l’esprit, n’est jamais achevée, dépend
finalement la réalisation d’une citoyenneté
européenne. C’est dire – et puisque, comme
on vient de le voir, la condition ultime de possibilité
en réside tout autant hors d’Europe qu’en
Europe – combien le projet de l’institution d’une
telle citoyenneté regorge de difficultés. Mais
les partisans de ce projet doivent bien savoir que l’optimisme
est toujours de volonté ! Quoi qu’il en soit,
et si nous raisonnons en hypothèse, la France doit
jouer un rôle particulier dans l’entreprise européenne,
en tant qu’elle est, traditionnellement, en Europe,
aussi le pays du rationalisme, et du rationalisme en son affirmation
absolue, c’est-à-dire aussi et d’abord
du rationalisme abstrait, celui des Lumières. De ce
fait, assurément, dans le contexte d’une Europe
souvent disposée autrement, elle est le pays qui, culturellement,
a le plus à perdre. Mais elle est sans doute aussi
celui par lequel – si ce qui a été dit
ici est pertinent – l’Europe a le plus à
gagner. »
Bernard
Bourgeois
La
raison moderne et le droit politique, Librairie
Vrin, Paris, 2000, pp. 246-247. |
Textes et
réflexions
Europe, Éducation, École |
Autres publications de Bernard Bourgeois sur
notre site :
Der Begriff des Sttates,
Philosophie de
l'Europe,
Hegel (Éditions A.
Collin), Hegel (Éditions
Ellipses),
La raison scolaire, aujourd'hui |
|
|