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La mort est-elle l'objet de la philosophie dans Le Phédon ?

Conférence donnée par Jean-Michel Muglioni à L'Ecole Normale Supérieure, rue d'Ulm, le 12 dec. 2002,

à l'invitation de M. Litwin

Je vous remercie de m'avoir invité et j'ai accepté avec plaisir de vous par-ler de la manière dont le Phédon traite de la mort, et plus j'y ai réfléchi, plus j'ai été saisi non par d'angoisse devant la mort, mais disons d'une certaine anxiété de-vant la difficulté de ma tâche. Vous me demandez quelque chose de très difficile, si, comme justement le Phédon le dit, la mort (mais en quel sens ?) est le critère qui permet de distinguer le vrai philosophe. Laissez moi donc vous dire pour commencer que je suis particulièrement heureux malgré l'épreuve à laquelle je suis confronté, de voir que certains normaliens ont encore vraiment le désir de philosopher, et essayons de ne pas être trop indigne de cette exigence.

AVERTISSEMENT : PARLER EN PHILOSOPHE DE LA MORT, C'EST DECEVOIR.

Sachez en outre, mais c'est sans doute parce que vous le savez que vous m'avez invité, que je ne vous apprendrai rien sur la mort ni même sur le Phédon. Je ne crois pas dire grand chose d'autre que ce qu'a écrit Madame Dixsaut. Mais qui prétendra être le premier à comprendre quelque chose à Platon ? Ainsi je ne crois pas que Platon ait jamais eu le dessein de nous apprendre grand chose sur la mort. Son écriture imite toujours le refus socratique d'écrire un livre ; elle est faite pour que le lecteur, s'il éprouve le désir de philosopher, dialogue avec lui-même : on n'imagine pas qu'avant de mourir Socrate ait fait quelque révélation sur l'autre vie à ses amis et que le Phédon en soit la transcription. Lors de son procès, So-crate avouait encore son ignorance : il est absurde de craindre ce qu'on ignore, di-sait-il. Je ne vois pas comment trente jours après il en aurait su davantage sur le sort d'un homme après sa mort. Et si Platon avait lui-même entre l'Apologie et le Phédon changé d'avis, rien ne l'aurait empêché de corriger le premier texte. Si donc quelqu'un parmi vous croit qu'un professeur de philosophie peut apporter sur ce genre de question quelque chose comme une révélation, parce que c'est une question plus philosophique que d'autres, ou plus grave que les autres questions qu'on peut se poser, il sera déçu par mon propos. Et je crois que Platon dans le Phédon fait tout ou fait tout faire à Socrate pour décevoir ceux qui tournent autour de la mort comme autour d'une énigme terrifiante et pleine de sens. Les hommes en effet ont élaboré tout une orchestration tragique de la mort, et ils croient y voir des profondeurs infinies. Mais je ne crois pas que figurer la vérité ou la mort par l'image de l'abîme et du vertige soit très platonicien. Ce serait même un contre-sens que de qualifier l'attitude de Socrate dans le Phédon de sublime. Toute la dif-ficulté pour nous, lecteurs, est de retrouver la simplicité de cet homme et son refus de faire des histoires au moment de mourir. Il va jusqu'à dire que même s'il se trompe du tout au tout, au moins son attitude a le mérite de le rendre supportable à ses amis en cette circonstance, c'est-à-dire de leur éviter le cinéma pitoyable des hommes lorsqu'ils savent qu'ils vont mourir . Ainsi le Phédon est d'abord un grand paradoxe : c'est le récit d'une mort qui n'émeut en rien celui qui doit mourir et l'émotion que nous pouvons ressentir vient des amis de Socrate et de nous-mêmes, qui ne sommes pas assez philosophes, non de l'attitude et du discours de Socrate. Socrate est totalement étranger au tragique et ses derniers mots sont une boutade. Bossuet profite de la terreur que la mort inspire pour nous rappeler au néant de notre condition ; d'autres considèrent qu'il est essentiel à la pensée en tant que pensée - je cite un commentateur de Heidegger - de " se livrer sans ré-serve à l'épouvante qu'elle [la mort] suscite et d'accepter de demeurer constam-ment sous son emprise ". Le Socrate du Phédon, comparé à cela, fait preuve d'une grande désinvolture et il paraîtra plat. Il y a sans doute là deux idées fort différen-tes de la pensée.

 

POURQUOI SOCRATE ACCEPTE-T-IL DE REPONDRE AUX HOMMES QUI ONT PEUR DE LA MORT ?
LA NEGATION DE L'APPROCHE RELIGIEUSE DE LA MORT.

On entend en effet par mort au sens ordinaire du terme, le décès d'un homme et ce qui advient ensuite : l'insensibilité, l'absence de conscience et de vie du cadavre, et Socrate n'en parle d'abord que pour répondre aux questions qui lui sont posées par Cébès et Simmias qui veulent savoir quelles raisons peuvent déli-vrer de la crainte de la mort, et comment répondre à ceux qui se représentent la philosophie comme étant la mort ainsi entendue. S'il est vrai que non seulement Socrate n'a pas peur de la mort, mais que le Phédon n'est pas une méditation de la mort, c'est-à-dire une confrontation de la conscience au néant de la mort, pour-quoi accepter de répondre aux hommes qui ont peur de la mort ? Socrate répon-dant à la demande de ses amis, il faut comprendre que Platon accorde une grande importance à la nécessité de vaincre cette peur et donc voir tout ce que cette peur implique. Et pourquoi Platon prend-il au sérieux la caricature des philosophes qui les représente déjà morts, insensibles comme la pierre (comme le dit Calliclès dans le Gorgias en 493a), incapables de vivre ? Nous verrons qu'il reprend à son compte cette caricature et, sans y toucher, lui fait représenter la vérité de la philo-sophie. Je crois donc que Montaigne ne s'y est pas trompé, lorsque, à sa manière il est vrai, poursuivant l'exigence socratique à partir du stoïcisme et de l'épicurisme, mais aussi à partir de Platon, il propose pour toute philosophie de la mort de vain-cre non pas la mort (ce serait un contresens total que de dire que Socrate a triom-phé de la mort !), mais la peur de la mort. Il a besoin pour y parvenir d'une ruse qui prouve seulement qu'il n'a pas la sagesse de Socrate : mais n'est-ce pas juste-ment le propos des Essais que d'oser montrer aussi les faiblesses d'un homme ? L'enjeu est considérable, et dépasse le cadre d'une interprétation scolastique des textes, s'il est vrai qu'une certaine complaisance au tragique de la mort débouche nécessairement sur l'esclavage d'esprit.

La mort est objet de terreur, d'horreur ; c'est pourquoi elle donne lieu à toute une mythologie, avec ses rites funèbres et aussi ses superstitions - c'est bien la peur qui fait les superstitions. Le paratonnerre inventé, les superstitions liées au tonnerre s'estompent. Chasser les poètes, les tragiques, tout ce qui nous apprend à pleurer et à ressentir la pitié, c'est encore vaincre la peur de la mort. Cette image tragique de la mort est partout présente non pas seulement sur la scène des théâ-tres mais dans l'histoire, sur la scène de la politique : exécutions publiques ou non, massacres auxquels les hommes ont coutume de s'adonner pour imposer leurs vues, satisfaire leurs ambitions, etc. Sans la crainte de la mort, ni gesticula-tion militaire, ni guerre. Sans cette crainte, aucune menace ne peut plus porter. Ainsi la peur de la mort est partout présente dans la vie des hommes et des cités. Telle est peut-être la vérité de Hobbes. Mais ce qu'on appelle depuis lors le pou-voir ne peut rien contre Socrate. Socrate est libre même sous les Trente et ne va pas arrêter Léon de Salamine (Apologie 32c) . Otez donc la peur de la mort, et la tragédie de l'histoire humaine disparaît, nul n'est plus soumis au tyran, le tyran est désarmé, impuissant : le stoïcisme développera cette vérité. Montaigne sait que ce-lui qui ne craint pas la mort est un homme libre, libre à l'égard des pouvoirs quels qu'ils soient. " La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à servir ". Ces derniers mots sont sans doute un souvenir de Sénèque, qui à la fin de la 26° lettre à Lucilius commente Epicure , qui lui-même disait : " exerce-toi à mourir ". Quelles que soient les différences es-sentielles entre épicuriens et stoïciens, ou entre eux et Platon, il y a là une exi-gence commune qui est socratique : le contresens littéral sur la formule du Phé-don, " philosopher, c'est s'exercer à mourir ", n'est pas sans vérité.

Qu'est-ce en effet qu'une âme déliée du corps ? Qu'est-ce que le Phédon appelle un homme déjà mort ? C'est par exemple un homme délivré de la pression sociale (la société athénienne en veut à Socrate de l'avoir désarmée). Qu'est-ce au contraire que l'amoureux du corps, le philosomatos ? Celui qui a l'âme chevillée au corps, qui l'y a bien enfoncée comme on enfonce bien un clou (car Platon ne dit pas que notre âme a été clouée par le sort ou la nature à notre corps mais que celui qui l'a ainsi enfoncée est, par ses épithumiai, par l'appétit, cause de son em-prisonnement : il tient à son corps), un tel homme est lié aux autres hommes, qui peuvent lui donner ce que son amour réclame. Ainsi nous-mêmes, qui à l'instant n'avons pas peur d'être massacrés ou mis en prison, vivant dans des pays libres en un sens, nous sommes soumis à la pression sociale ; nous sommes aussi attachés à notre confort, à notre chauffage, par exemple, donc à notre pétrole : considérons à partir de là chacun nos jugements politiques et demandons-nous si nous jugeons en philosomatos ou en philosophos ! Qui parmi nous n'est pas prisonnier de ses petits plaisirs d'universitaire embourgeoisé, sinon des salons, des amitiés faites dans les congrès ou dans les couloirs d'un lycée, etc. ?

Le vrai courage apparaît alors. Ce n'est pas le courage apparent (68d) d'un homme qui meurt pour sauver tout ce qui en lui est mortel, tout ce à quoi son amour du corps lui fait tenir : ses biens, la cité dont le Théétète dit que seul le corps du sage y a localisation et séjour (173 c). Car ce courage peut n'être fondé que sur la peur de la mort. Le vrai courage, c'est le courage de penser selon la pensée et non selon le corps et le monde qui l'entoure. Selon la vérité et non selon les passions, qui toutes en un sens se résolvent en peur de la mort : je reviendrai tout à l'heure sur la peur panique qu'éprouve le courageux Calliclès de ne plus ressentir de passion, Calliclès le plus profond des personnages de Platon. Nous verrons aussi que le propos de Socrate ne débouche nullement sur l'ascétisme, d'autant que le courage ne consiste pas à lutter contre les appétits, mais à se laisser emporter par un autre désir, celui de comprendre. L'amour de la vérité.

Cébès et Simmias sont au-dessus de la crainte ordinaire et ils ont si bien compris Socrate qu'ils lui demandent de leur donner avant de mourir toutes les raisons qui permettent de faire taire la crainte enfantine (77 d e) qui tenaille tout homme. Ils voient que Socrate est absolument libre : il est libre comme on le voit à son attitude ce jour là, puisque l'urgence de la mort, principe de toute urgence, ne trouble pas son loisir. Otez l'obsession de la mort, vous changez le sens du temps. La crainte et l'espérance creusent le temps et nous jettent hors de nous-mêmes. La pensée et la pratique aussi bien épicuriennes que stoïciennes du pré-sent me paraissent fidèles à l'exigence socratique.

Ses amis demandent à Socrate de bien faire comprendre en quoi consiste la libération de l'âme de la peur de la mort, et Platon prend le temps de développer la réponse parce que cette crainte est le fond de toutes nos lâchetés (et en effet, si nous n'avions pas peur de la mort, connaîtrions-nous la moindre peur ?) et de no-tre lâcheté initiale, première, essentielle, le refus de penser vraiment. Seulement penser suppose que nous ne nous laissions pas séduire par les poètes. Leurs fables font pleurer, elles nous accoutument à la pitié et donc à la mollesse, à la lâcheté. Platon veut conjurer tout ce qu'il y a d'affectif et de poétique dans les propos que les hommes tiennent sur la mort. C'est d'abord une question de courage intellec-tuel : savoir ce qu'on dit, comprendre au lieu de se laisser emporter par des dis-cours pathétiques, toujours applaudis, comme le remarque le Prométhée d'Eschyle , s'adressant à Io avant qu'elle raconte son horrible histoire : " pleurer sur ses maux quand on risque d'obtenir des pleurs de qui vous écoute mérite le temps qu'on s'y donne ". Et peut-être les fables platoniciennes ne sont-elles que l'incantation par laquelle le philosophe s'assure de ne pas s'abandonner à la peur enfantine, puérile, de la mort. La mythologie ordinaire nous enferme dans l'enfance, les mythes platoniciens nous en libèrent.

Chasser Xanthippe, chasser les poètes, les tragiques, c'est refuser les fables que les hommes se racontent dans leur ignorance, et qui sont l'expression de leur crainte : les croyances religieuses, certaines subtilités des métaphysiciens, l'ontologie peut-être, voilà les divers prolongements de leur épouvante. Socrate récuse ce qu'on entend généralement par l'approche religieuse de la mort. Je prends donc le risque de paraître tirer Platon du côté d'Epicure et de Lucrèce. Mais enfin le Phédon comparé aux discours des prédicateurs chrétiens et des prê-tres de toute nature doit paraître étrange, et plus étrange encore le fait qu'il ait pa-ru préparer au christianisme. La méditation religieuse de la mort est rhétorique, et Socrate prend soin de faire disparaître tout le théâtre que les hommes ont toujours soigneusement organisé autour de l'événement. Difficulté majeure, s'il est vrai que ce rapport religieux à la mort caractérise l'humanité : lorsque près de fossiles, on trouve des outils, on n'est pas encore absolument sûr d'avoir des hommes, mais s'il y a la trace de rites funéraires, on peut l'affirmer. A moins d'admettre que l'homme se distingue alors des autres bêtes par la trace d'une illusion. Il y a donc là un premier paradoxe, particulièrement visible dans le désintérêt total de Socrate pour ses obsèques et le sort de son cadavre, et une plaisanterie de plus - ensevelissez moi comme vous voulez " à condition que vous réussissiez à m'attraper et que je ne vous échappe pas " , et en effet ce cadavre ne sera pas So-crate. Ainsi la cérémonie se fera selon l'usage, parce que c'est l'usage et non parce que c'est sacré. Il n'est pas étonnant que les athéniens aient cru que Socrate mettait en cause la religion de la cité et corrompait la jeunesse. Son procès et sa condamnation ne sont pas une erreur contingente. Sa défense devait le perdre puisque sa désinvolture devant l'éventualité d'une condamnation à mort ne pou-vait passer que pour un défi. Que peut la cité sur un homme qui se moque complè-tement de mourir ? Que peuvent les prêtres sur un homme qui avant de mourir ne craint rien ? Socrate, dans le Phédon, ne confesse aucune faute, non parce qu'il aurait la prétention d'être un saint, mais parce qu'il sait qu'il a pris le meilleur par-ti, qui est de philosopher, et que même sa disparition absolue n'y changerait rien. La mort révèle à certains la vanité des choses humaines, des richesses, des hon-neurs, et au moment de mourir ils regrettent d'avoir pris le mauvais parti. Sentant la mort venir, il leur arrive de se retirer du monde et de ses vanités. Socrate n'a rien à regretter, il n'a pas eu à faire retraite pour suivre le parti de la pensée. Il n'a pas eu besoin de l'image de la mort comme anéantissement pour savoir que les hommes appellent valeurs de faux biens. Il n'a pas eu besoin de penser la mort pour distinguer la réalité et l'apparence.

Je vais donc me contenter de reprendre quelques paradoxes platoniciens. Car tout est paradoxe ici, et par exemple la fable d'un au-delà de la vie humaine qui est lumière, contrairement aux enfers de la mythologie grecque qui sont fort sombres : le peur de la mort, c'est la peur de ne plus voir la lumière ; or justement cette lumière attique n'est rien à côté de ce que verra (et voit déjà !) le philosophe une fois mort, parvenu dans un monde à côté duquel la Méditerranée n'est qu'une mare couverte de brouillard. Lorsque Socrate raconte une histoire, il ne cesse pas d'être ironique.

 

AUTRES PARADOXES

Socrate à la question
Autre paradoxe. D'abord le rôle des protagonistes est inversé, puisque ce sont Cébès et Simmias qui interrogent Socrate ; et lui-même s'en amuse puisqu'il leur dit qu'il va devoir faire une seconde fois son apologie. Exiger d'un ami qui meure sans s'en plaindre qu'il s'explique sur son attitude pourrait paraître pervers. Certes de braves confesseurs comme celui qui était chargé d'obtenir de Montes-quieu qu'il renie L'esprit des lois ne se priveront pas de ce genre de harcèlement moral. Cébès et Simmias sont donc gênés et hésitent à interroger encore Socrate qui leur répond qu'ils peuvent l'interroger sans crainte, car il n'est pas le moins du monde malheureux, et que son dernier dialogue sera le chant du cygne ; et, nou-veau renversement, nouveau paradoxe, le chant du cygne est le chant de joie de l'oiseau d'Apollon qui sait quels biens il trouvera chez Hadès (85 b). Etre platoni-cien, c'est ne pas admettre avec les poètes que les chants désespérés soient les plus beaux. Dans la manière dont Socrate est invité à s'expliquer et dans la joie qu'il y met, il y a donc quelque chose de tout à fait invraisemblable, et par là le Phédon est bien le contraire d'une pièce de théâtre. Mieux, à la fin du dialogue, Socrate reprend son rôle ! Au moment où il semble qu'on ait une démonstration de l'immortalité de l'âme qui convainc Cébès et Simmias, c'est Socrate qui distin-gue immortalité et indestructibilité et par là même rend manifeste que rien n'a permis jusqu'ici de prouver que la mort n'est pas l'anéantisse-ment de l'âme .

Sens béotien et sens socratique du zèle à mourir

Passons au plus célèbre paradoxe du Phédon : à l'assimilation de la philo-sophie et de la mort. Les béotiens compatriotes de Cébès et Simmias, comme Cal-liclès, rient de la vie de mort que les philosophes ont choisie. Vivre en philosophe serait pour eux d'un ennui mortel. Or Socrate parle comme s'il leur donnait rai-son. A Evénos qui la veille demandait à Cébès pourquoi Socrate s'était mis en pri-son à écrire des fables (60 d), Socrate fait répondre : " dis-lui que s'il veut se montrer sage il doit se mettre à ma poursuite le plus vite possible " (61 b). Sim-mias voudrait bien comprendre le sens de cette plaisanterie, et Socrate alors assi-mile philosophie et mort, et en 63 e-64 a, lorsque Socrate dit que s'appliquer droi-tement à la philosophie, c'est ne rien faire d'autre que s'appliquer à mourir et à être mort, Simmias ne peut pas s'empêcher de rire : il voit là une nouvelle plaisan-terie. Or n'a-t-il pas raison? Et il est vrai aussi que c'est la plus sérieuse des défi-nitions de la philosophie!

Réfléchissons sur le double sens de cette formule.

Ce mot a en effet un sens " béotien ", pour parler comme Simmias. Pour le béotien qui sommeille ou plutôt s'agite en tout homme, la vie ainsi entendue comme mort est méritée : les philosophes ne sont pas dignes de vivre. Et Socrate au lieu de s'opposer à ce discours béotien, le reprend littéralement, il n'en change pas un mot, mais dit que les béotiens le tiennent sans savoir son vrai sens. Le dia-logue opère donc la subversion du sens, mais c'est sans transformer la formula-tion : il parvient à renverser la compréhension qu'on a des mêmes mots. Sans tou-cher la lettre, Socrate change l'esprit. Ce travail est éminemment platonicien. Pla-ton sait que changer la lettre ne sert à rien et que le discours le plus vrai peut être compris de travers. Aussi lui suffit-il de donner une interprétation vraie du dis-cours des non philosophes, des ennemis de la philosophie, discours des philoso-matoi. Jamais en effet aucune formulation parlée ou écrite ne dispensera personne de penser et n'évitera par conséquent à quiconque se tromper. On ne saurait ima-giner qu'un jour un livre dira la vérité de telle façon qu'il suffirait de savoir dé-chiffrer les caractères pour ne plus jamais se méprendre ! Ainsi le plus fort des pa-radoxes n'est pas de dire le contraire de l'opinion mais de donner à penser le contraire en disant littéralement la même chose. Socrate reprend les mêmes termes que les philosomatoi, mais en sens inverse ! De telle sorte qu'extérieurement, dans les mots, il n'y a pas plus de différence entre le philosomatos et le philosophos, qu'entre la vertu apparente et la vertu réelle, entre la tempérance de la plupart et celle de Socrate, par exemple. L'ironie suprême de Socrate a consisté à vivre comme tout le monde, selon les usages : Diogène est moins gênant et moins dan-gereux que Socrate.

Il est vrai que cette façon d'écrire est un piège pour le lecteur, et Platon le savait, il le voulait. Par exemple, en 64c 65 b (GF 213-214), Socrate en rajoute, comme on dit : il soutient, en bonne part cette fois, exactement ce que les béotiens disaient, mais à charge. Le lecteur risque donc de se précipiter et de comprendre qu'il faut être insensible comme les pierres et se priver de tout plaisir. Une fois le sens béotien rejeté, reste une lettre que certains comprendront comme le refus as-cétique du corps : toute une interprétation ascétique du dialogue traversera l'histoire de la philosophie et proposera un platonisme qui mérite les sarcasmes de Calliclès. Or n'est-ce pas la preuve que l'ascétisme est faux, puisque cela révèle que les porcs de Béotie et les ascètes ont la même idée du corps et de la vie hu-maine, les uns pour s'y vautrer, les autres pour l'abhorrer ? Lorsqu'au contraire Alain dit que l'âme, c'est le refus du corps, il n'envisage pas un refus de vivre dans son corps ; mais par exemple le courage, qui consiste, au lieu de trembler, à lutter, c'est le courage de combattre : ce qui suppose maîtrise du corps et gymnas-tique - comme on voit dans La république : le refus philosophique du corps et la gymnastique, c'est la même chose , pourvu toutefois qu'on ne confonde pas la gymnastique et le body-b(u)ilding.

Les revenants

Et donc selon le même principe qui consiste à donner aux formules les plus communes un nouveau sens, il est possible en 64 b de partir de la définition la plus commune de la mort, la séparation de l'âme et du corps, celle qui fait peur aux enfants qui croient que l'âme va en conséquence se disperser comme un vent, surtout ajoute Socrate, si on a la malchance de mourir par grand vent. (77 d e, GF 238) Apollodore doit rire très fort à ce moment là. D'où cette fois une nouvelle sorte de paradoxe, la reprise à la limite du comique de la croyance aux revenants, avec une désinvolture totale (81 c) : les fantômes sont pour les grecs des âmes qui, parce qu'on ne leur a pas rendu les honneurs qui leur sont dus, ne peuvent séjour-ner dans l'Hadès et tournent autour des tombeaux jusqu'à ce qu'ont les honore . Que devient cette superstition transformée par Socrate en conte philosophique ? Les âme impures, alourdies par leur corps parce qu'elles s'y sont trop attachées, parce qu'elles y tiennent trop, comme je l'ai déjà dit, font de leur corps un tom-beau. Car c'est nous qui faisons du corps un tombeau, comme Calliclès : lorsque dans le Gorgias Socrate reprend un poète sicilien qui aurait prétendu que le corps est un tombeau, soma-sèma, il s'agit du corps gorgé de vin dont il vient d'être question dans le dialogue : son corps est en effet pour l'ivrogne un tom-beau, non le corps de Socrate pour Socrate. Ainsi les âmes des méchants ne par-viennent pas à mourir, à rester dans l'Hadès, elles errent à la recherche d'un corps, dévorées par leur appétit, leur désir : âmes sans corps donc, mais avec des épithu-miai, comme dans la tripartition de l'âme de La République, ce qui veut dire en ef-fet que l'âme qui a une partie irrationnelle et que le corps n'est pas ce qui par sa nature de corps la souille d'irrationalité (de même chez Descartes la finitude n'est pas mise sur le compte du corps mais de la disproportion de la volonté et de l'entendement qui ne lui doit rien, disproportion qui est aussi bien la temporalité, laquelle est de l'âme d'abord et comprise comme telle bien avant que la dernière Méditation retrouve le corps). L'irrationnel, ce n'est pas le corps, c'est l'appétit d'avoir un corps (82 e). Donc les âmes des méchants errent à la recherche d'un corps et finissent par en retrouver un qui leur convient, un corps qui leur ressem-ble : et du coup la fable de la métempsycose donne à penser cet emprisonnement de l'âme du méchant dans son corps. Seule l'âme du sage ne retrouvera pas un corps ! Là encore, on voit que les béotiens ne risquent pas d'être satisfaits du dis-cours de Socrate qui promet la réincarnation aux pires des hommes et la " mort " aux seuls philosophes, justement parce qu'ils sont déjà morts ! Le discours de So-crate n'est pas fait pour rassurer qui n'est pas philosophe, et c'est en ce sens aussi qu'il exprime bien " l'opinion des philosophes " : seul celui qui a pris le parti de la pensée peut l'admettre.

Le paradoxe est poussé très loin par Platon. L'âme amoureuse du savoir, philosophe, s'élève et s'élèvera vers les formes immuables, l'âme folle de son corps s'alourdit et s'alourdira - selon la métaphore de la pesanteur et de la chute que reprennent partout chez Platon les mythes de l'âme. Cébès et Simmias atten-dent sans doute une conclusion formelle concernant l'immortalité entendue comme indissolubilité. Or Socrate envisage une alternative : le sort de l'âme n'est pas le même selon qu'elle a aimé la vérité ou aimé son corps - alternative qui est celle du philosophos et du philosomatos. L'âme du premier s'éternise, celle du se-cond se somatise pour ainsi dire : somatiser, en français, c'est traduire un sens en mouvement du corps, c'est vivre dans son corps une pensée qu'on ne supporte pas. Ici, je dis somatiser pour indiquer qu'un homme a le corps de ses pensées, et c'est la nature de ses pensées qui fait qu'une âme s'incorpore pour ainsi dire dans tel corps. Son corps devient une prison, mais du coup cesse d'être un corps d'homme ! Il sera loup ou hyène… Telle est la métempsycose, dont beaucoup ont remarqué que c'est plutôt une métemsomatose. Voilà pourquoi nous ne croyons pas qu'il s'agisse ici d'un reste de croyance archaïque dans un texte vieux de plus de deux mille trois cents ans. La question n'est donc plus premièrement celle de la durée de la vie mais de la nature de la vie que l'âme choisit de mener. Le philoso-matos vit comme une momie . Il se soucie de son corps, et, sorte d'hypocondriaque, il oublie de prendre soin de son âme : l'alternative oppose s'exercer à mourir ou à être mort (cet exercice est la pensée comme déliaison), et être obsédé de son corps - Platon utilisant dans les deux cas le terme de mélétè (81 c). Seuls les philosophes n'auront pas à se réincorporer, seuls les autres hommes pourront revivre dans un corps, et alors, c'est le cas de dire, ils auront le sort qu'ils méritent. Ainsi je comprends de mieux en mieux pourquoi Apollodore pou-vait rire aussi fort qu'il pleurait (59 a). Peut-être n'était-il pas si stupide qu'il en a la réputation (note 17 GF) ! Une légère inflexion, et le propos de Socrate se trans-forme en canular. Je n'ai pas eu le temps de noter tous les passages du Phédon où l'on peut présumer qu'Apollodore s'esclaffe, mais il faudrait le faire.

Le vraisemblable et le certain

Ainsi l'élucidation de la plaisanterie de Socrate saluant Evénos et du célè-bre mot, " philosopher, c'est s'exercer à mourir et à être mort ", consiste dans la formulation d'une alternative : les âmes des meilleurs des hommes et les âmes des pires des hommes n'ont pas le même sort. Cette alternative à elle seule signifie que le sort de l'âme n'est pas celui d'une chose et dépend seulement de ce qu'elle fait d'elle-même. Cela mériterait un long développement. Nous voyons que nous sommes très loin d'une psychologie rationnelle ! La question n'est pas de savoir si l'âme comme substance subsiste, elle est seulement pour chacun de savoir com-ment penser et vivre. Prendre soin de son âme, ce n'est donc pas la préparer à une autre vie, c'est en cette vie chercher à comprendre.

Notons à propos de cette histoire de fantômes qu'en 81 d, on trouve une distinction très claire entre le vraisemblable et le certain : la destinée de l'âme qui tourne autour des tombes, c'est vraisemblable, que de telles âmes ne soient pas celles d'hommes de bien, ce n'est pas seulement vraisemblable ! Le sort de l'âme après la mort n'a rien de certain, ce que nous avons à faire aujourd'hui l'est tota-lement. Que philosopher, c'est prendre le meilleur parti, c'est certain : les formes ne décevront jamais. Qu'une fois morts nous continuerons d'être ainsi en relation avec le divin, c'est seulement vraisemblable. La seule chose certaine est que nous aurons de toute façon le sort que nous permet d'avoir notre choix, c'est-à-dire no-tre pensée. Que l'âme soit indestructible ou non ne change donc rien à l'essentiel.

Paradoxe du portrait du philosophe

On trouve dans le portrait que le Théétète propose du philosophe la même manière de prendre au mot le discours du refus de la philosophie. Il suffit de décrire le philosophe tel que le voit la servante Thrace, et la caricature devient la vérité. Il est aisé de lire une première fois ce portrait en philosomatos comme le font certains brillants poètes hellénistes qui en veulent à Platon d'avoir chassé Homère de sa République.

" Dès leur jeunesse, ce que, tout d'abord, ils [les philosophes] ignorent, c'est quelle route mène à la place publique, à quel endroit se trouvent et le tribunal et la salle du conseil et toutes autres salles de délibération commune dans la cité. Les lois, les décisions, leurs débats ou leur rédaction en décrets, ils n'en ont ni le spectacle ni l'écho… "

Il est bien connu que le philosophe est coupé du monde, du concret. La suite est plus difficile à lire comme une caricature pour nous, mais sans doute n'était-ce pas le cas pour un athénien aisé du IV° siècle, puisque toute sa vie s'y trouve niée :

" Les brigues des hétairies à l'assaut des magistratures, les réunions, fes-tins, parties agrémentées de joueuses de flûte, ils ne songent même pas en rêves à y prendre part. Ce qui est arrivé de bien ou de mal dans la ville, la tare qu'à celui-ci ont transmise ses ancêtres, hommes ou femmes, le philosophe n'en a nul soup-çon, pas plus, dit le proverbe, que du nombre de tonnelets que remplirait la mer. Et qu'il ignore tout cela, lui-même ne le sait point ; car, s'il s'en abstient, ce n'est point par gloriole : c'est qu'en réalité son corps seul a, dans la ville, localisation et séjour ".

Le philosophe a quitté le monde des hommes, il a fui, il est bien mort comme le croient les béotiens dont parle Simmias ! Nous retrouvons donc la mort du Phédon. La suite est particulièrement célèbre :

" Ainsi Thalès observait les astres, Théodore, et, le regard aux cieux, venait choir dans le puits. Quelque Thrace, accorte et plaisante soubrette, de le railler, ce dit-on, de son zèle à savoir ce qui se passe au ciel, lui qui ne savait voir ce qu'il avait devant lui, à ses pieds. Cette raillerie vaut contre tous ceux qui passent leur vie à philosopher.

Socrate ici reprend en un sens à son compte la plaisanterie. Mais il est déjà clair que tout est renversé : ainsi Calliclès l'aristocrate, et la servante sont du même côté. La distinction sociale du maître et de l'esclave est niée, comme celle des athéniens et des béotiens, puisque c'est bien la même pensée qui les anime. On ne dira jamais assez à quel point Platon est libre à l'égard des préjugés sociaux de son temps, et la page suivante rappel qu'il est imprudent de faire la généalogie de sa famille : on y trouvera un esclave ou un tyran. Mais poursuivons la lecture :

" C'est que, réellement, un tel être ne connaît ni proche ni voisin, ne sait ni ce que fait celui-ci, ni même s'il est homme ou s'il appartient à quelque autre bé-tail. "

Cette fois l'absence du philosophe au monde n'est plus seulement ridicule, elle devient inadmissible : de quel droit faire preuve d'un tel mépris à l'égard de ses voisins, de ses compatriotes (c'est ce que Anytos menaçant reproche par exemple à Socrate à la fin du Ménon).

Platon pousse ici délibérément son propos jusqu'à la contradiction : de ce-lui qui ne sait pas si son voisin est homme ou bête, et de lui seul on peut dire : " …Qu'est-ce que l'homme, par quoi une telle nature se doit distinguer des autres en son activité ou sa passivité propres, voilà quelle est sa recherche et l'in-vestigation à laquelle il consacre ses peines. "

Je laisse tout ce qui concerne le renversement du proche et du lointain.

La suite oppose le philosophe et le sophiste, l'homme de la pensée et le pragmatique sans scrupule : le jeu des contrastes alors aide à comprendre. Si en effet nous reprenons la lecture des mêmes mots en nous souvenant de la vie affai-rée du sophiste qui contrairement à Socrate gagne ses procès, nous concevons que la maladresse de Socrate est plus grande encore que celle de Thalès ; qu'il n'a pas voulu vivre selon l'opinion profitable, mais selon la justice. Alors nous voyons ce qui distingue l'affairisme de l'un, si je puis traduire ainsi ascholia, et le loisir de l'autre. Le loisir socratique consiste à penser et vivre selon la pensée, selon la vérité, et non selon ce que les circonstances nous font considérer comme notre intérêt : le corps est pour la pensée un concours de circonstances, si je puis hasarder ce libre commentaire. Vivre selon la pensée et non selon le corps, c'est ne pas faire des exigences du corps le principe de notre existence - pour Socrate, ne pas fuir vers Mégare ou la Béotie comme s'il n'était qu'os, tendons et muscles, comme s'il se réduisait à son corps.

D'un côté le sophiste maître de la caverne, roi au royaume des ombres, de l'autre le philosophe qui ne s'intéresse qu'à la réalité et qui en effet est absent du monde des sophistes et de l'opinion, d'une absence qui n'est donc pas seulement apparente. En ce sens la caricature qui représente l'absence du philosophe au monde est vraie de part en part et c'est au lecteur d'accommoder pour ainsi dire et de voir clair.

Une remarque. Il est permis de s'étonner que des rapports de concours concernant des épreuves de philosophie reprochent aux étudiants de n'être pas au courant de ce qu'on appelle l'actualité. Je ne dis pas que leur ignorance soit tou-jours la preuve d'un tempérament philosophique, mais il est certain que l'obsession de la modernité, c'est la peur de la mort.


SOCRATE Et CALLICLES

Pour mieux comprendre, suivons non plus le Phédon, mais le Gorgias, où l'opposition de Socrate à Polos et surtout à Calliclès porte aussi sur le rapport à la mort : éviter la mort n'est pas une fin en soi, mourir assassiné, mourir plutôt que d'être injuste n'est pas honteux , voilà une certitude qui vaut à Socrate le mépris des deux élèves de Gorgias. Calliclès, après Polos, revient sur le pouvoir qu'a le tyran de tuer qui il veut et Socrate, agacé par ce refrain , montre qu'au fond Cal-liclès est obsédé à l'idée de vivre le plus longtemps possible (511b) et qu'il devrait admirer au moins autant que les tyrans les maîtres nageurs, les pilotes de bateau et tous ceux qui sauvent des vies humaines. Ce n'est pas une caricature du noble athénien, mais la mise en lumière de ce qui finalement détermine ses choix et ses propos : la peur de la mort. L'ambition se réduit à la peur de la mort. Hobbes a bien compris le lien de l'ambition et de la crainte de la mort. Si en effet - je para-phrase Hobbes - les plus puissants, par exemple les rois, sont plus soucieux que les autres d'accroître leur pouvoir, ce n'est pas par l'espérance d'un plaisir plus intense, mais par la crainte que leur pouvoir ne soit pas suffisant . La conscience de leur insécurité se résout finalement en crainte de la mort : voilà leur seul mo-bile. Le pouvoir n'est que ce qui permet d'échapper à la souffrance et à la mort et d'infliger souffrance et mort aux autres pour se défendre. Ainsi le tyran dont Cal-liclès, modèle de l'homme puissant et valeureux, rêve, a le pouvoir de tuer et de dépouiller les hommes de leurs biens et celui de garder saufs les biens et la vie de ses amis comme les siens. Il n'a de pouvoir que par la peur de la mort qu'éprouvent ses victimes et ne veut le pouvoir que parce qu'il éprouve la même peur : lui-même voudrait-il à un tel pouvoir s'il n'avait pas la même façon de pen-ser ? En ce sens il est faux que le maître soit plus que l'esclave parce qu'il a su af-fronter la mort.

Calliclès refuserait d'admettre qu'il est mu par un mobile aussi bas, et il est vrai que sa prétention aristocratique ne se réduit pas à la crainte. Il méprise les im-puissants, qui se laissent massacrer avec leurs enfants, leur femme et leurs amis, les minables qu'on peut dépouiller impunément. Il oppose inlassablement la fai-blesse et l'incapacité de Socrate et des justes, qui est vile, à la force et à la gran-deur du tyran, qui est noble. Il ne veut pas être réduit en esclavage (486b, Polos 466b sqq. , 509 d e). Socrate sera impuissant le jour où l'on requerra contre lui la peine de mort (486c) et cette impuissance est indigne d'un homme vraiment homme. Calliclès est scandalisé qu'on se laisse ainsi massacrer ou spolier. Il se révolte. Mais précisément Socrate ne se révolte pas d'être victime d'une injustice, parce qu'il sait que cette révolte est irrationnelle et que la vraie noblesse n'est pas de sauver à tout prix sa vie et celle des autres. La question porte dans le Gorgias sur ce qui est vraiment honteux ou au contraire ce qui est vraiment noble. Calliclès est la passion de la valeur, au sens le plus fort du terme, au sens cornélien si l'on veut. Que les pires des hommes puissent assassiner un homme juste sans que ce-lui-ci se défende, il ne le supporte pas. C'est par indignation qu'il prend le parti des tyrans ! Non pas pour dépouiller et tuer, mais pour que celui qui a le pouvoir de tuer et de dépouiller soit un homme comme lui, de véritable noblesse. Il veut que la force et la valeur soient réunies et c'est là son illusion. C'est ce point qu'ALAIN a parfaitement compris : Calliclès voudrait que les coups du sort frap-pent les hommes à proportion de leur valeur, il veut une providence immanente, il veut qu'il y ait proportion entre la noblesse et le pouvoir. Or cela, Socrate ne l'exige pas. Calliclès s'indigne que l'homme de bien soit massacré et ne sache pas se défendre. Que le juste ne puisse s'opposer à la mort. La dimension eschatologi-que de cette revendication est au contraire absente des mythes eschatologiques de Platon ! Donc, que nous soyons mortels, cela veut dire qu'il n'y a pas de rapport nécessaire entre les événements du monde et la justice, entre le sort d'un homme et sa valeur intrinsèque, entre nos conditions extérieures d'existence, humaines et non divines, et la justice. Et il n'y aura demain ni sur terre ni dans quelque autre monde une vie où ces deux termes seraient réconciliés. Un monde où Socrate se-rait roi est impossible, telle est la leçon de Platon et particulièrement de La répu-blique. Je comprends les fables platoniciennes comme Alain.

Le crucifié

Peut-être faut-il aller plus loin encore dans le paradoxe pour faire com-prendre que lire Platon nous éloigne d'une représentation du platonisme assez commune et assez chrétienne, et je vais prendre ici le risque de choquer. Nul de toute façon n'est forcé de prendre au sérieux une analyse philosophique et comme Calliclès il est permis de n'y voir qu'un entraînement pour jeunes gens aisés.

Donc Socrate jamais ne se plaint d'être un juste victime du pouvoir ou du peuple (mais c'est ici la même chose). Sans doute n'ignore-t-il pas le sens de la condamnation qui le frappe. Mais a plusieurs reprises, et pas seulement avec le Criton ou le Phédon, Platon a tenu à nous faire voir que Socrate se moque com-plètement de ce qui lui arrive et ne se révolte pas contre le fait qu'un homme juste soit maltraité et mis à mort. Etre soi-même injuste, voilà ce que Socrate craint par dessus tout (Gorgias 522 e). Subir une injustice, il ne le souhaite certes pas, mais ne le craint nullement ; et lorsque Calliclès lui dit qu'il finira mal s'il continue à parler comme il fait et qu'accusé par le peuple il ne saura pas se défendre, c'est alors qu'il lui répond que vivre pour défendre sa vie ne présente aucun intérêt - en 521 c d. Ainsi Socrate ne meurt pas en martyr, pour prouver par ses souffrances qu'il est injustement frappé et encore moins pour gagner le ciel. Surtout le récit de la mort de Socrate n'est pas la tragédie du juste supplicié ; Platon n'a pas été écrit pour soulever l'indignation ou la pitié ni même pour qu'on se souvienne que So-crate a été victime d'une injustice. Il montre le sage continuant à parler comme il l'a toujours fait sans se soucier de son sort. Peut-être Platon lui-même a-t-il mis du temps à admettre que Socrate ne se défende pas vraiment et ne fasse rien pour échapper à son sort : n'était-ce pas cela, la maladie qui l'a empêché de venir assis-ter à ce qu'il ne pouvait alors supporter et qu'il ne comprit que plus tard - et nous fait maintenant encore comprendre par son œuvre. Je ne fais pas ici le moins du monde une conjecture historique mais une remarque sans doute banale.

Je veux dire seulement que l'image, car c'est une image, une icône, l'image du juste torturé, crucifié, l'image qui arrache des larmes des foules, cette rhétori-que n'est jamais présente dans Platon. Au contraire il y a de cela dans la rhétori-que de Polos. Dans le Gorgias, en 473 b d, Socrate prétend que celui qui subit une injustice est plus heureux que celui qui la commet, et il ajoute que cet homme in-juste, s'il est pris sur le fait et puni, est plus heureux que s'il réussit son coup. Je ne sais si les commentateurs ont vraiment relevé la réplique de Polos :

" Que dis-tu là ? Voici un homme qui est arrêté au moment où il essaie de renverser criminellement un tyran ; aussitôt pris on le torture, on lui coupe les membres, on lui brûle les yeux, et après qu'il a été soumis lui-même à mille souf-frances atroces, après qu'il a vu ses enfants et sa femme livrés au même supplices, on finit par le mettre en croix ou l'enduire de poix et le brûler vif : et cet homme serait plus heureux de la sorte que s'il avait pu s'échapper, devenir tyran, gouver-ner la cité toute sa vie en se livrant à tous ses caprices, objet d'envie et d'admiration pour les citoyens et pour les étrangers ? Voilà la thèse que tu dis irré-futable ? "

Polos a du souffle ! Et Socrate répond :" Tu me présentes un épouvantail, brave Polos non une réfutation… "

Le terme grec mormolùttei se retrouve dans le Phédon, en 77 e, à propos de la crainte qui nous fait voir la mort comme un masque de sorcière (cf. GF note 154). Et un peu plus loin Polos demande à Socrate si lui-même, Socrate, préfére-rait subir une injustice plutôt que de la commettre (474 b).

Ainsi la représentation des souffrances d'un homme, ici il est vrai un homme injuste, un criminel de grande envergure, est un argument rhétorique, et non un témoignage, et quand même cet homme serait juste comme Socrate, sa souffrance et sa mort ne prouveraient rien, car la question n'est pas là. Les tragi-ques, les auteurs des textes qu'on dit religieux, ont cultivé la rhétorique du juste qui souffre et qu'on tue injustement, ce n'est jamais le cas chez Platon, et nul lec-teur de Platon n'admirera jamais un martyr, quelle que soit sa cause. Socrate ne se sacrifie en aucune façon. Son propos n'est pas de dénoncer les malheurs des hommes, de prendre la défense des victimes, il est seulement de déterminer ce qui lui convient à lui de faire pour être fidèle à son parti pris, le parti pris de la pensée. Vivre ou mourir, cela est indifférent, comme diront les stoïciens, vrais socratiques. Chez eux non plus il n'y a pas de révolte contre le sort qui frappe parfois dure-ment les meilleurs. L'exigence socratique de justice n'est pas d'abord une révolte contre l'oppression. Ce n'est pas d'abord une compassion pour les victimes. C'est le souci de soi-même, l'égoïsme du sage qui vise son propre bonheur et pour cette raison n'éprouve aucunement le désir de commettre une injustice. Au contraire, si nous ne savons pas lui interdire le gouvernement de notre âme, l'indignation iné-vitablement fera de nous des Calliclès ou des criminels.

 

RETOUR AUX FABLES

Toutefois la fable platonicienne des juges infernaux peut sembler dire que les âmes des méchants sont rendues meilleures par la punition qu'elles subissent, et donc qu'il est permis d'espérer un autre monde où règne enfin la justice. Or n'est-ce pas revenir à la rhétorique de Polos que de dire que des souffrances éter-nelles attendent les incurables ou que leurs hurlements servent d'avertissement aux autres ? Et une telle espérance n'est-elle pas plus conforme aux vœux de Cal-liclès qu'à ceux de Socrate ? Calliclès s'indigne qu'un juste puisse être victime d'un injuste sans se défendre : non pas seulement parce qu'il assimile le bien et la force, et donc méprise ce juste et le tient pour un esclave, mais aussi parce qu'il veut que les meilleurs gouvernent. Il a une réelle exigence aristocratique. Ce n'est pas une brute, comme Thrasymaque dans une certaine mesure. Je m'explique. S'il trouve honteux qu'un homme se laisse assassiner sans se défendre, ce n'est pas seulement parce que c'est de la part de cet homme juste un signe de faiblesse, c'est aussi, c'est d'abord parce qu'il ne supporte pas l'idée que le meilleur ne l'emporte pas et que le pire l'emporte (Gorgias 511 b). Que le meilleur gagne ! voilà ce que j'appelle une exigence aristocratique. Calliclès voudrait que le tempo-rel et le spirituel ne fassent qu'un. Les hommes s'indignent de la faiblesse de l'esprit. Mais cette indignation procède seulement du cœur, elle est irrationnelle. Telle me paraît être la leçon de Socrate indifférent à sa propre mort. Au fond, la croyance en l'immortalité de l'âme ne revient-elle pas à la confusion du spirituel et du temporel, et cette confusion théologico-politique n'est-elle au cœur de l'histoire des Eglises qui font de cette croyance un dogme essentiel ?

Il faut donc relire les fables platoniciennes qui racontent les voyages des âmes et parlent d'un purgatoire pour les méchants et de souffrances éternelles des pires d'entre eux. Ce genre de discours est en effet inséparable d'un autre, qui re-vient partout, dans le Phédon avec l'alternative que j'ai rappelée, et particulière-ment dans le mythe d'Er à la fin de La république : chaque âme une fois jugée re-vivra une vie semblable à celle qu'elle a choisie, c'est-à-dire injuste si elle a été injuste, juste si elle a été réellement juste (celles dont la vertu n'a été qu'apparente ne seront pas confondues avec les vrais sages - Phédon 82 b). Il n'y a donc pas de jugement dernier qui rétablirait la justice, ni un autre monde où tout adviendrait selon la justice. Alain commente en ces termes provocateurs : (p.913) " les désirs et les colères, quelquefois, lassés de rivaliser, espèrent quelque ordre meilleur où le juste serait roi ". Il faut savoir se garder de l'interprétation irrationaliste de La république qui y voit l'expression d'une espérance politique idéaliste, comme on dit… avec à la clé la condamnation d'un Platon totalitaire parce qu'il veut imposer à la nature humaine le carcan de sa philosophie.

Mais parler ainsi, n'est-ce pas oublier que les mythes cosmologiques ren-dent compte de l'ordonnance du monde de telle façon qu'elle est incompatible avec l'injustice ? L'ordre du monde est bien juste, puisqu'il est l'œuvre d'un dé-miurge qui suit un modèle divin. Chaque âme y peut trouver un modèle pour sa propre justice. La fable du monde est même l'incantation par laquelle l'âme se donne un modèle à imiter. Mais n'est-ce pas dire justement que la beauté de l'ordre du monde n'implique pas que chacun soit juste ? A chacun de choisir. La justice du cosmos signifie que rien ne justifie l'injuste, non que le juste ne sera pas victime de l'injuste ou de la maladie. Il n'est pas vrai que les méchants sont tou-jours punis ni qu'il y aura une autre vie où ils le seront. Et croira-t-on que Socrate se réjouisse des douleurs subies par le tyran puni ? Toutefois il est vrai, en un au-tre sens, au sens socratique, que le tyran sera ou plutôt qu'il est puni : en ce sens qu'en aucun cas Socrate ne voudrait vivre sa vie, qu'elle est la pire de toutes, celle qui lui fait le plus horreur, celle qu'il serait infernal d'avoir à vivre ! Je le répète, c'est d'être injuste et non de mourir que Socrate a peur (Gorgias 522e) et c'est cette peur que la description des supplices du tyran entretient par le mythe. Tou-jours il s'agit de savoir si vivre en tyran, en homme de pouvoir, est souhaitable pour le tyran et l'homme de pouvoir, et non pas pour ceux sur lesquels s'exerce ce pouvoir. Prendre le parti de la pensée, c'est renoncer au pouvoir pour soi-même : la corruption du pouvoir n'est pas un accident anthropologique ou psychologique.

Si donc la fable de l'immortalité de l'âme racontée par Socrate dit que cha-cun vivra toujours identique à lui-même sans se dissoudre comme une vapeur fra-gile, ce n'est pas au sens de la psychologie rationnelle (l'affirmation de la perma-nence d'une substance simple indécomposable) : la fable platonicienne veut dire que par la mort (le décès) nul ne sera délivré de lui-même, ni le sage de sa sagesse, ni le méchant de sa méchanceté, d'autant, dit le livre X de La république, que ce serait une chance pour le méchant d'être ainsi guéri par la mort de son mal, sa mé-chanceté, ce qui prouve à l'évidence l'immortalité de l'âme. En 610 d, c'est Glau-con, qui comprend ainsi la preuve apportée par Socrate. C'est dire qu'on ne peut attendre d'un événement, pas même de la mort (entendue comme décès), qu'il sauve quiconque de lui-même. Alain commente en son style toujours cavalier et fait pour irriter ceux qu'il appelle les sorbonagres : (913) : " Il n'y a point d'espoir. Le sage nous laisse à nous. Dieu nous laisse à nous. Ni l'un ni l'autre ne nous font la grâce de nous punir. " L'espoir de Socrate dans le Phédon me parait éclairé par cette formulation ; ce n'est pas l'espoir des chrétiens ni de tous ceux qui attendent le secours d'une puissance extérieure, ce qui finit par les dispenser d'avoir à juger et à vouloir. L'espoir socratique n'est pas ce qu'on entend généra-lement par espoir. Alain remarquait aussi dans son Platon que notre illusion est de toujours vouloir chercher l'éternel ailleurs qu'ici (p.919).

 

CONCLUSION

Ainsi la question de savoir si ce qu'on a choisi de faire ou d'être entraînera ou non notre mort, plus vite ou plus lentement, naturellement ou par la violence, cette question n'a aucun sens, pas plus que celle de savoir ce qu'il adviendra alors de nous. Cette issue n'a en aucune façon à entrer en ligne de compte dans nos choix essentiels. Que nous soyons mortels, même si cela signifie que nous allons totalement disparaître, cela ne compte pas. Il n'y a rien dans la mort entendue comme décès d'un homme et raideur d'un cadavre qui par soi-même importe en quelque façon que ce soit. Il n'y a même pas à y penser. La sagesse de l'homme libre n'est pas une méditation de la mort mais de la vie, dira Spinoza, et sur ce point il est proche de Platon . Ce qui donne sens à une vie d'homme, cela n'a rien à voir avec la question de la mort qui n'est pas une question. La peur de la mort au contraire est la même chose que la peur et même la haine de la pensée. Nous l'avons vu, il y a un parallélisme entre amour de la vérité et amour du corps, qui signifie que c'est l'âme qui fait du corps une prison. Il serait vain d'accuser le corps. Ainsi, de même que la fuite philosophique hors du monde est d'abord élan vers la vérité, de telle sorte que le corps n'est fui qu'en tant qu'il fait obstacle à l'intelligence et non par ascétisme moral, de même l'homme que son désir en-ferme dans son corps fuit la pensée et devient aveugle à la lumière véritable, celle des formes. Les philosomatoi ont peur de la lumière invisible de l'intelligible et la fuient comme ce qu'il y a de plus obscur . La haine de la pensée est une chose assez commune. Ce n'est pas la misologie, qui, elle, frappe les praticiens du dis-cours et donc surtout les professionnels de la raison, les intellectuels, s'il est per-mis d'entendre ce mot en un sens péjoratif et de ne pas confondre intellectuel et philosophe (car je sais que généralement le mépris des intellectuels n'est pas très philosophique). La haine de la pensée dévore au contraire tout homme que la peur de la mort crispe pour ainsi dire dans la minuscule portion de l'univers qu'il oc-cupe pour un instant. Et l'on voit alors avec quelle rouerie, en un tel homme, l'intelligence tout entière au service du refus de comprendre, s'aveugle elle-même, mais calcule très bien les intérêts. Ainsi s'explique qu'il puisse y avoir des hom-mes en apparence très intelligents qui pourtant n'ont jamais rien compris : ils pré-voient les ombres qui défilent sur la paroi de la caverne et sont très forts en argu-ments. Etre mort comme le philosophe du Phédon, c'est savoir distinguer la clarté philosophique aussi bien des fausses subtilités sophistiques qui prennent l'apparence de la rigueur scientifique que des profondeurs tragiques qui séduisent par leur obscurité prophétique.

 

Jean -Michel Muglioni

Notes :
Note 5 pour références au Gorgias
511 a-c : trad. Croiset : Socrate à qui Calliclès le dit une nouvelle fois ré-pond : " Je le sais, excellent Calliclès. A moins d'être sourd,(b) comment ne l'aurais-je pas entendu répété maintes fois par toi-même, par Polos auparavant, et par presque tous les athéniens, ou preque tous ? Mais à ton tour écoute ceci : oui, cet homme, tuera, s'il le veut, mais c'est un méchant qui tuera un honnête homme de bien ! Calliclès : (N'est-ce pas justement là ce qui rend la chose plus révoltante to aganaktèèto'n ? [sur ce point, Dixsaut, note 60 qui renvoie à Rép. X 604e-605a).

cf. APOLOGIE idem à partir d'Homère : 28 b

Toujours l'idée qu'il est honteux de ne pas savoir se défendre… Un homme doit être capable de casser la gueule à quelqu'un de se comporter en homme, entre hommes… GF p. 282… Robin p. 163

Autres références dans le Gorgias

Allusion au procès de Socrate : 511c Calliclès : Oui certes, par Zeus, et le conseil est bon ! (d'apprendre la rhétorique pour le cas échéant te défendre de-vant les tribunaux).

Cf. 521b sqq. sans doute le passage le plus long sur la mort de Socrate dans les dialogues…
Socrate demande à Calliclès s'il veut contribuer à rendre les athéniens meilleurs ou les flatter… et Calliclès dit à Socrate dit de ne pas lui objecter que d'avoir choisi la première voie le conduira au tribunal et à la mort, qu'on le dé-pouillera de tous ses biens… A quoi l'autre répond : tu es bien sûr de toi ! Comme s'il avait compris que Socrate ne voyais pas le danger et se croyais à l'abri de ce genre de procès. D'où la réponse de Socrate, qui singie qu'il ne serait pas étonné d'être condamné à mort ! Pourquoi ? Parce qu'il est le seul vrai politique ! La suite, ce sont les enfants qui votent pour le confiseur contre le médecin. Même chose à la fin du mythe final, 527a : toi, Calliclès, devant les juges infernaux, tu seras comme moi devant le tribunal athénien ! Cf. p.309, il t'arrivera ce que tu crains en 486c : tu ne sauras pas plus te défendre que moi devant le tribunal d'Athènes. Procès où Socrate aurait du essayer de sauver sa tête. Dans l'apologie du Phédon, il a à sauver tout autre chose…

522 e GF Canto : " …personne n'a peur de la mort si on la prend pour ce qu'elle est, on alors on est incapable de faire le moindre raisonnement et ne pas être vraiment un homme, non ce qui fait peur, c'est l'idée de n'avoir pas été juste. "

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