|
|
Philippe TOUCHET,
Professeur en Classes Préparatories aux Grandes Ecoles,
invité du Club Philo pour
une conférence-débat sur L'esprit
du christianisme
le 15 janvier 2008, de 20h45, à la Maison
Pour Tous de Ville d'Avray
Analyse philosophique d'un ouvrage de Hegel
(1770-1831), intitulé précisément L'esprit
du christianisme |
Au commencement
est la scission. Dieu a bien créé la terre
et les hommes, mais irréversiblement, l’humanité
s’est éloignée de Dieu, par le péché,
par le corps, par la singularité même ;
Dieu a voulu reprendre et mettre fin à sa création,
qui n’est plus à son image. Alors le déluge
advint comme un second recommencement, qui est plutôt
une fin. Et si Noé survit, c’est désormais
comme représentant d’une humanité
délaissée à son destin : destin
d’une nature hostile, d’un Dieu tout autre
et étranger, qui n’aime plus les hommes.
Alors naît la religion première, la religion
juive, religion du commandement et de la loi. Le Dieu
étrange impose son commandement aux hommes d’un
peuple qu’il choisit comme le sien ; Moïse
reçoit la tâche de le libérer et
aussi de le soumettre, de l’asservir au «
Tu ne tueras point ». La religion marque alors
la reconnaissance de la servitude de l’homme,
aliéné à sa propre négativité.
Tel est précisément l’enjeu du Christianisme
: sauver l’homme de la scission entre l’homme
et Dieu. Sauver l’homme et son histoire pour inverser
le sens de la vie. Faire de Dieu non plus le maître
étranger, mais rendre l’homme lui-même
divin, réconcilier dieu avec la terre et remonter
la pente de la création.
Ainsi le christianisme se présente comme une
religion de la réconciliation, une religion dont
l’esprit est d’être le sens de la
réalité vécue, religion de l’amour
plutôt que de la loi. Mais si Dieu se fait homme
et remonte la pente de la création, n’est-ce
pas au risque de tuer sa transcendance ? Dieu ne meurt-il
pas de se vouloir lui-même « le fils de
l’homme » ? Ce qui intéresse ici
le philosophe, ce n’est pas seulement l’universalité
revendiquée par le christianisme ; mais plutôt
cette faculté étonnante, pour une spiritualité
religieuse, de se vouloir réelle et même
historique, de réconcilier l’homme et Dieu.
Ce qui intéresse le jeune Hegel, ce n’est
pas Dieu ou le culte des chrétiens, mais la positivité
de la religion, sa puissance d’unification de
l’être dans son ensemble, et sa capacité
à résoudre les impossibilités de
l’entendement.
Lire le texte intégral
de la conférence : Format
PDF |
Philippe Touchet |
|
Lire :
Texte n° 1
« Le rapport de Jésus à Dieu, comme rapport
d'un fils à son père; pouvait être conçu,
selon que l'homme pose le divin tout entier ou non hors de
lui, comme connaissance ou comme foi; la connaissance, dans
l'interprétation qu'elle donne de ce rapport, pose
deux natures différentes : une nature humaine et une
nature divine, une essence humaine et une essence divine,
douées chacune de personnalité, de substantialité,
et dont la dualité subsiste dans leurs rapports, parce
qu'elles sont posées comme absolument différentes.
Ceux qui posent cette hétérogénéité
absolue, et pourtant exigent simultanément que ces
absolus soient pensés dans un rapport d'extrême
intimité comme constituant un seul et même être,
ne suppriment pas l'entendement, du fait qu'ils révèlent
une réalité qui se situerait hors de la sphère,
mais c'est à lui qu'ils confient le soin de concevoir
simultanément des substances absolument différentes
et leur absolue unité : ils le détruisent donc
en le posant. Ceux qui en acceptent une hétérogénéité
donnée des substantialités, tout en niant leur
unité, sont conséquents ; ils sont fondés
à accepter la première, puisqu'on a exigé
que Dieu et l'homme soient pensés, mais, aussi bien
par là à refuser la seconde, car supprimer la
séparation entre Dieu et l'homme irait contre la première
exigence qu'on leur a imposée. Ils sauvent bien de
cette façon l'entendement, mais en en restant à
cette absolue hétérogénéité
des essences, ils font de l'entendement, de la séparation
absolue, de l'être mort, la réalité suprême
de l'esprit. C'est de cette façon que les Juifs comprirent
Jésus. », Hegel, L’esprit du Christianisme
et son destin, Paris Vrin 1981, p.89.
Texte n° 2
« Considérer la résurrection de Jésus
comme un événement, c'est le point de vue de
l'historien, qui n'a rien à voir avec celui de la religion
; croire ou non en elle comme à une simple réalité
indépendamment de tout intérêt porté
à la religion, c'est l'affaire de l'entendement dont
l'opération : fixer l'objectivité, est justement
la mort de la religion ; s'en rapporter à lui est faire
abstraction de la religion. Mais, à coup sûr,
l'entendement semble avoir son mot à dire, puisque
l'aspect objectif de Dieu n'est pas seulement une forme de
l'amour, mais existe pour lui-même et, comme réalité,
prétend avoir une place dans le monde des réalités.
C'est pourquoi il est difficile de maintenir l'aspect religieux
du Christ ressuscité, l'amour doué de figure,
dans sa beauté; car c'est seulement dans une apothéose
qu'il est devenu Dieu, sa divinité est la déification
d'une existence présente aussi comme réalité
; il avait vécu comme individu humain ; il était
mort sur la croix et avait été enseveli. Cette
souillure de l'humanité est quelque chose de tout différent
de la forme qui appartient à Dieu ; (…) Mais
aussi vient s'adjoindre à l'image du ressuscité,
de la conciliation devenue un être, une réalité
accessoire, pleinement objective, individuelle, qui s'allie
à l'amour, mais qui, pour l'entendement, doit demeurer
rigidement fixée comme de l'individuel, de l'opposé,
qui par suite est une réalité qui ne cesse de
s'attacher au divinisé et le retient au sol comme un
boulet ; car le Dieu doit planer à mi-chemin entre
l'infini, l'illimitation céleste, et la terre, cette
collection de pures déterminations.
Hegel, L’esprit du christianisme et son destin,
Paris, Vrin 1981, p.117. |
|
Archives
Soirées Philo :
2006-2007
2005-2006
ll 2004-2005
ll 2003-2004
ll 2002-2003
ll
Club Philo
2001-2002
ll Informations et projets
ll
|
|
|
|