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Sartre,
Huis-clos
Mise en scène
: Philippe Touchet,
Professeur de Philosophie au Lycée de Sarcelles et à
l'IUFM de Versailles,
Mise en oeuvre : Groupe Théatre
Amitié, Eaubonne, Val d'Oise |
Représentation,
suivie de débat,
donnée au S.E.L.
47, Grande Rue, Sèvres,
tél. 01 4114 32 32
le 05 oct. 2003 à 14h. Découvrez
l'Affiche...
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La suite: La
Maison Pour Tous,
Pl. Ch. de Gaulle, Ville d'Avray,
tél. : 01 47 50 37 50
le 7 oct. 2003 à 20h45 :
La question
de la mort chez Sartre |
Lorsqu’un regard
me gène, lorsqu’une parole même
légère atteint l’équilibre fragile
de mes incertitudes, je suis sous le poids de l’autre.
Je ne sais pas qui je suis, et il faut bien en passer par lui
pour savoir, pour croire, et même pour espérer…
Mais lui, que sait-il de moi, lui qui ne veut rien savoir ?
Lui qui m’écrase de ses certitudes, de ses accusations
toujours et toujours déguisées, qui me gouverne
par sa terreur ? |
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Dans Huis clos,
les personnages sont enfin au bout de la route, dans cet enfer
qu’ils ont fini par vouloir, pour se libérer d’une
vie trop indécise, trop rigoureuse, trop solitaire aussi.
Mais c’est un feu très vivant qui traverse : pas
de grandes tortures ni de chaînes rutilantes, seulement
deux femmes et un homme, des gens ordinaires qui croient, qui
croient …
Ils croient à la vie encore, à sa liberté
et à ses illusions, ils croient aussi que, comme avant,
on pourrait vivre en se cachant, se protéger des autres
tout en se servant d’eux, ils croient surtout qu’il
faut croire, qu’il faut mentir plutôt que mourir…
Mais, c’est l’enfer, et là, c’est seulement
la vérité, toute nue et si droite, qui est là,
sans voile et sans paroles, sans délai et sans coupures…… |
Huis
clos a été présenté
au public en janvier 1944 au Théâtre
du Vieux Colombier dans une mise en scène
de Raymond Rouleau. Ce texte, au départ,
partait pour Sartre d’une simple volonté
d’écrire pour trois amis dont il voulait qu’ils
jouent ensemble, sans en avantager un seul. Mais, Sartre
venait de publier L’Etre et le néant,
et il constituait alors sa grande théorie de l’intersubjectivité,
du regard et de la honte.
Comment penser le rapport à l’autre conscience,
alors que je suis une subjectivité indéterminée
et libre, alors que je constitue le monde à partir
de mes représentations, alors même que l’autre
constitue une menace pour toutes mes intentions. Rien, sinon
de dire que l’autre me constitue (et ce d’autant
plus que je ne suis pas une essence, qu’il n y’a
pas en moi de nature, mais que je suis uniquement, dans l’existence,
mon rapport à ce que je ne suis pas). Mais, me constituant
par son regard, il m’aliène,
il fait que j’ai mon fondement hors de moi, et que je
ne peux redevenir moi-même qu’en me récupérant,
en me reconstituant contre lui, par sa négation ou
sa destruction. Nier la liberté de l’autre pour
être et redevenir soi-même, tel est le sens de
l’infernal désir : désirer l’autre,
nier sa conscience, c’est tenter de s’emparer
de sa liberté alors même qu’elle échappe
à toute objectivation. Le désir
est en même temps l’illusion et l’échec,
puisque l’autre est, par définition, ce qui ne
saurait être possédé.
Finalement, il n’y a que ce jeu perpétuel de
se libérer de l’autre pour être soi, libération
qui n’est jamais anéantissement, et qui ne doit
pas l’être, puisque l’autre me constitue
comme cette ouverture et cette indétermination que
je suis, et que je ne suis pas.
Sartre, dans un entretien sur
Huis clos qu’il donna pour
l’enregistrement radiophonique de la pièce en
1965 dit ceci :
"L'enfer, c'est les autres" a toujours été
mal compris. On a cru que je voulais dire par là que
nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés,
que c'étaient toujours des rapports infernaux. Or,
c'est autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les
rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre
ne peut-être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres
sont au fond ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes
pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand
nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître,
au fond nous usons ces connaissances que les autres ont déjà
sur nous. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres
ont, nous ont donné de nous juger. Quoique je dise
sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui
veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans
la totale dépendance d'autrui. Et alors en effet je
suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans
le monde qui sont en enfer parce qu'ils dépendent trop
du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on
ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres. Ça
marque simplement l'importance capitale de tous les autres
pour chacun de nous. Sartre
Philippee Touchet
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