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Informations
et projets
Les
Amis de Sèvres,
Association loi 1901
Centre
International d'Études Pédagogiques
1, avenue Léon Journaux - 92310 Sèvres
Entretiens de Sèvres,
Programme 2007-2008
Le mardi 15 janvier 2008à 17h15:
Madame Christiane Johnson,
1000 millions de baisers,
lettres d'une adolescente pendant la guerre |
L'interprète, Christiane Johnson, a écrit de 1942 à 1944
de très nombreuses cartes postales à son amie
juive réfugiée à Toulouse. Celles-ci
les a précieusement conservées.
A partir d'extraits authentiques, Ch. Johnson, conseillée
par un metteur en scène, a créé une pièce
qu'elle joue elle-même. Dans ses choix elle va à
l'essentiel :
– comment une profonde amitié se développe
entre deux adolescentes
– comment des jeunes ont pu grandir et s'épanouir
avec toute la fraîcheur de cet âge en cette période
de guerre. |
Les Amis de
Sèvres soutiennent les actions du Club
de Philosophie, et en particulier son projet Europe,
Education, Ecole.
1/ Le 24 janvier 2008 : Journée Jan Patocka, Europe
et culture
2/ Le 17 avril 2008 : Journée européenne, Europe,
culture et diversité des langues
Qu'ils veuillent bien recevoir ici le témoignage de
notre gratitude. |
Qui sont Les
Amis de Sèvres? |
Jean AUBA, Inspecteur
Général, Membre correspondant de l'Institut
Amis de Sèvres
...Sèvres ressemble certainement à la
cité idéale des philosophes...
Le C.I.E.P. avait été créé,
au lendemain de la Libération, en 1945, par Gustave
Monod, directeur de l'enseignement du second degré.
Celui-ci réalisait dans toute la France, mais tout
particulièrement dans quelques lycées pilotes,
dont le lycée de Sèvres, le grand projet dont
il rêvait depuis longtemps et qui avait mûri
sous l'occupation : la mise en place de " classes nouvelles
", des classes où l'élève, et
non plus le professeur, serait le centre même de la
classe, où toutes les disciplines, y compris le dessin,
la musique ou les travaux manuels se verraient reconnaître
une égale dignité, où l'étude
du milieu tiendrait une place importante, où l'enfant
serait préparé à sa vie de citoyen
et d'homme. Sèvres devait être, en liaison
avec le Ministère, le véritable moteur de
cette révolution pédagogique. Aussi les professeurs
des classes nouvelles participèrent-ils à
Sèvres à des stages où ils rencontrèrent
les représentants du Ministère et les Inspecteurs
généraux. Ils eurent avec eux de libres discussions
pour confronter les idées et les expériences.
D'autre part Gustave Monod pensait que les enseignants ne
doivent pas s'isoler dans leur classe, leur établissement
ou même leur pays, mais participer à de nombreux
échanges avec leurs collègues d'autres pays.
On reçut donc à Sèvres des professeurs
étrangers. Le lieu de ces réunions ou rencontres
était tout trouvé. L'École Normale
Supérieure de jeunes filles, qui s'était installée
en 1881 dans les locaux de l'ancienne manufacture de porcelaine,
avait dû les quitter en 1940, les Allemands les ayant
occupés. Les " Sévriennes " n'y
étaient pas revenues à la Libération.
Magnifique bâtiment qui, certes, avait besoin d'être
rénové, mais qui avait une majesté
à laquelle on ne pouvait rester insensible. Le joyau
le plus précieux en était le Pavillon Lulli
où le musicien de Louis XIV avait, dit-on, composé
des airs fameux, et qui est d'une remarquable élégance.
Quand je suis arrivé à Sèvres, le C.I.E.P.
avait une jeune et brillante histoire, mais il traversait
une légère crise. Des Inspecteurs Généraux,
comme Pierre Clarac ou Jean Guéhenno, y avaient semé
la bonne parole, avec des idées justes et généreuses.
Les professeurs des classes nouvelles avaient fait preuve
d'une foi, d'un enthousiasme, d'un sens pédagogique,
d'un dévouement exemplaires. La directrice du C.I.E.P.,
Madame Hatinguais, avait été une excellente
pédagogue, une remarquable animatrice et une merveilleuse
hôtesse. Mais, pour des raisons financières
aussi bien que politiques, les classes nouvelles étaient
en sommeil. Les professeurs qui y exerçaient ressentaient
une certaine déception.
Les évènements de 1968, sans être dramatiques
à Sèvres, y furent vécus avec beaucoup
d'intensité. Ils permirent de se remettre en question,
de distinguer le possible du souhaitable et de repartir
d'un nouvel élan.
Il fallait rester fidèle, dans un climat moins favorable,
aux objectifs de Gustave Monod. Le C.I.E.P. recevait des
stages de professeurs français et en organisait lui-même
pour que la pédagogie sans garder toute l'authenticité
des classes nouvelles, fût cependant moderne et capable
de susciter l'intérêt et l'effort des élèves.
Le lycée était resté pilote. Le Centre
était en liaison étroite avec lui. Certains
professeurs du lycée, les professeurs-consultants
avaient une partie de leur service au Centre. Les professeurs
étrangers, après avoir entendu parler de pédagogie
théorique au Centre allaient au lycée se rendre
compte de la pratique pédagogique sur le terrain.
Au cours des stages français, des dialogues parfois
un peu tendus, plus souvent cordiaux, toujours fructueux,
avaient lieu entre les Inspecteurs généraux
et les professeurs. Les Inspecteurs généraux
se réunissaient chaque année à Sèvres
pour des journées de réflexion, et il était
intéressant de voir ce corps, que certains considéraient
comme conservateur, voire rétrograde, examiner dans
un esprit d'ouverture, les problèmes difficiles qui
s'imposaient dans une période " d'explosion
scolaire ". La revue "les amis de Sèvres
" faisait entendre en France et à l'étranger
l'écho des discussions qui avaient lieu dans nos
murs.
L'action internationale devenait de plus en plus importante.
Les stages longs se multipliaient. L'un des plus sérieux
fut celui où des Vietnamiens apprenaient à
composer des manuels de français langue étrangère
pour leurs compatriotes. Le plus pittoresque fut le stage
libyen : l'Université de Tripoli nous avait confié
une vingtaine de ses étudiants de deuxième
année, avec une pleine responsabilité, pendant
un an, pour leurs études. Le programme comprenait
essentiellement des cours de français, mais aussi
de l'anglais et même un peu d'arabe. Il était
nouveau pour Sèvres d'avoir de jeunes étudiants
sans expérience pédagogique, sans connaissance
de l'étranger, et l'adaptation ne se fit pas d'elle-même.
Les professeurs, autant que de la formation pédagogique,
durent faire de la formation culturelle et sociale.
Le échanges franco-québécois furent
une grande aventure. Une centaine de québécois
vinrent enseigner pendant un an dans des écoles françaises
tandis que les français allaient au Québec.
Sèvres avait la responsabilité du séjour
des Québécois en France. Ce n'était
pas une tâche aisée. Non seulement parce que
les pédagogies en France et au Québec étaient
différentes, mais surtout parce que si le français
est pour nous tous notre langue maternelle, les Québécois
sont aussi profondément américains que nous
sommes européens et il fallait les aider à
surmonter les difficultés. C'est ce que faisaient
les conseillers- animateurs québécois mis
à notre disposition. Ils sillonnaient la France pour
rencontrer leurs compatriotes. Dans ce domaine j'étais
assisté par un adjoint Québécois d'une
qualité exceptionnelle, Michel Girard. Les différences
mêmes étaient source d'enrichissement et ces
échanges ont beaucoup compté pour ceux qui
y ont participé. Le centre franco-québécois
de développement pédagogique de Sèvres
(C.I.E.P.) était aussi chargé d'organiser
les missions de nos collègues au Québec. La
connaissance de la pédagogie québécoise
a contribué à la rénovation de la pédagogie
française, notamment en ce qui concerne la documentation.
Dans les années 70, les associations internationales
comme la Fédération internationale des
professeurs de français, la Fédaration
internationale pour l'éducation des parents
et l'Association francophone d'education comparée,
choisissent Sèvres comme siège et y installent
leur secrétariat.
Non seulement les stagiaires réfléchissaient
sur la pédagogie à Sèvres, mais aussi
et peut-être surtout ils y vivaient. Toute l'équipe
du Centre, enseignants, secrétaires, personnel d'intendance
et de cuisine faisaient en sorte que les stages soient aussi
agréables et riches que possible. Les directeurs-adjoints
successifs, Jacques Quignard, Aimé Janicot, Pierre
Alexandre, chacun avec une personnalité forte et
originale, étaient tous trois compétents,
généreux, enthousiastes, sérieux et
souriants, d'une remarquable aptitude à la communication
et d'un dévouement inlassable. Les stagiaires, de
leur côté, donnaient le meilleur d'eux- mêmes.
Les soirées où ils présentaient des
chants et des danses de leur pays, étaient toujours
délicieuses et souvent émouvantes. Des amitiés
solides se nouaient entre français et étrangers
mais aussi entre étrangers eux-mêmes. Une directrice
de lycée portugaise se liait avec une collègue,
professeur d'université en Pologne, et, pendant des
années, des échanges avaient lieu entre Lisbonne
et Varsovie. Comme il est naturel dans un lieu de vie, les
incidents, parfois amusants, ne manquaient pas. Puis-je
en évoquer quelques uns ? Voyant un jour une religieuse
âgée ployer sous le poids de ses valises, Aimé
Janicot les transporte allègrement jusqu'à
l'étage des chambres (sans ascenseur !) et le prenant
pour un agent sympathique, de lui, dire : " Merci,
monsieur, je vous récompenserai. " Un matin
sur le coup de six heures et demie, ma femme et moi prenions
notre petit déjeuner, lorsqu'arrive un homme qui
semblait très inquiet et qui nous disait : "
je cherche Sèvres, je cherche le Centre international.
" Il n'était pas difficile de deviner que c'était
un somnambule ; il appartenait certainement au groupe des
médecins britanniques qui venaient d'arriver. Il
a pu m'indiquer le numéro de sa chambre, je l'ai
accompagné et je l'ai invité à se glisser
dans son lit. Lorsqu'à neuf heures, j'ai ouvert le
stage, il était présent, ne se souvenant de
rien. Le problème me parut plus grave lorsque Pierre
Alexandre me dit qu'un de nos stagiaires donnait des signes
de démence. C'était un Polonais, profondément
troublé par les évènements qui se passaient
dans son pays. Il était extrêmement agité.
Il forçait l'un de mes collaborateurs à s'agenouiller
devant une petite statue de la Vierge, qu'il avait tirée
de sa poche. Il fallut le conduire à Sainte Anne.
L'année suivante, c'est une stagiaire d'un autre
pays que nous dûmes accompagner, également
à Sainte Anne. Mais tout s'arrangeait à Sèvres
! Les malades guérissaient, rentraient chez eux et
restaient en contact avec nous.
Sèvres ressemble certainement à la cité
idéale des philosophes. Des hommes et des femmes
y vivent pendant plusieurs semaines, dans une entente parfaite,
animés d'un même idéal. Ils veulent
rendre les enfants heureux et faire régner la paix
entre les hommes. Mon souvenir le plus profond est celui
de cette soirée où, en pleine guerre civile,
les stagiaires libanais, musulmans et chrétiens,
tragiquement séparés dans leur pays, mais
réunis à Sèvres, affirmaient que, tant
qu'on connaîtrait des moments comme ceux qu'ils étaient
en train de vivre, on ne pourrait pas désespérer
de l'humanité. S'il est en effet des lieux qui donnent
ou confortent la foi en l'homme, Sèvres est l'un
d'eux. Je l'ai quitté en 1983. Il reste présent
en moi.
Dans Lieux de Vie (1917 - 2002),
Jean AUBA, Inspecteur Général, Membre correspondant
de l'Institut
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