"L'éducation
est le plus grand et le plus difficile problèmequi
puisse être proposé à l'homme.
En effet, les lumières dépendent de l'éducationet
à son tour l'éducation dépend des lumières."
Kant, Réflexions
sur l'éducation,
tr. fr. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1966,
p. 77.
Dans ses Réflexions sur l'éducation,
Kant écrit : " Il y a beaucoup de germes dans
l'humanité et c'est notre tâche que de développer
d'une manière proportionnée les dispositions
naturelles, que de déployer l'humanité à
partir de ses germes, et de faire en sorte que l'homme atteigne
sa destination. Les animaux remplissent eux-mêmes
leur destination et sans la connaître. Seul l'homme
doit chercher à l'atteindre et cela ne peut se faire,
s'il ne possède pas un concept de sa destination."
Ce texte comporte une remarque essentielle : le développement
de l'homme n'est pas pré-déterminé
par un instinct, en sorte que la tâche incombe à
l'éducation de prendre en charge le développement
de l'individu, aussi bien que celui de l'espèce.
Telle est la différence spécifique de l'homme
et de l'animal ; si la nature a tout prévu à
l'avance concernant l'animal, l'homme doit se prendre lui-même
en charge, et orienter son propre projet de développement
selon une certaine idée qu'il se fait de lui-même,
l'idée de l'humanité. L'instinctualité
du développement animal récuse toute orientation
selon la voie du concept, là où l'ouverture
de l'histoire humaine renvoie l'homme à lui-même,
et à une réflexion sur la finalité
de son histoire. C'est pourquoi il importe plus que tout
de savoir ce qu'est l'homme, et quelle doit être l'orientation
de son développement historique. Et cette histoire,
qui spécifie l'homme (l'homme est le seul animal
historique), doit être guidée selon un concept.
Toute la difficulté de la tâche éducative
est là : quel est le concept digne d'en prescrire
les règles et les principes ? Sur ce point, Kant
est quelque peu désabusé : " Quant à
nous nous ne sommes même pas encore parvenus à
la clarté en ce qui concerne ce concept." Il
est pourtant nécessaire d'en déterminer une
bonne fois la teneur, faute de quoi la pratique éducative
se verra condamnée à l'empirisme.
C'est précisément cette indétermination
première de la tâche éducative qui en
fait un "art", mais qui en signe aussi la difficulté
: "L'homme doit d'abord développer ses dispositions
au bien ; la Providence ne les a pas mises en lui toutes
achevées ; ce sont de simples dispositions sans la
marque distinctive de la moralité. S'améliorer
lui-même, se cultiver lui-même, et s'il est
mauvais, développer en lui-même la moralité,
c'est là ce que doit faire l'homme. Or quand on y
réfléchit mûrement, on voit combien
cela est difficile. C'est pourquoi l'éducation est
le plus grand et le plus difficile problème qui puisse
être proposé à l'homme." Le projet
éducatif se trouve pris dans un véritable
cercle : seule l'éducation peut faire progresser
les lumières, mais seules les lumières peuvent
montrer la nécessité de l'éducation...
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du texte de Philippe Fontaine : Format
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