Georg Wilhelm Friedrich Hegel est né à Stuttgart
en 1770, dans une famille luthérienne, anciennement
établie en Souabe - l'actuel Bade-Wurtemberg - pour
échapper à l'intolérance religieuse d'un
prince catholique. Son père, fonctionnaire des finances,
appartient à ce milieu modeste de la petite bourgeoisie
intellectuelle allemande, qui fut la plus sensible aux idées
révolutionnaires françaises et portait en elle
le germe d'une réforme libérale et constitutionnelle
de l'Allemagne. Le destin personnel et philosophique de Hegel
portera toujours la marque de cette double origine religieuse
et sociale. Tout au long de sa vie, constamment en butte aux
restrictions que le parti de l'orthodoxie religieuse et de
l'absolutisme politique impose à la liberté
de penser et au progrès des idées réformatrices,
Hegel errera à travers toute l'Allemagne pour s'établir
à chaque fois dans l'État le plus disposé
à laisser s'exprimer librement les idées nouvelles.
C'est au Gymnase de Stuttgart qu'il commença à
se familiariser avec les idées des Lumières
allemandes. À 18 ans, il entreprit des études
de théologie pour devenir pasteur. C'était là
pour un jeune homme de sa condition le seul moyen de poursuivre
ses études; une bourse ducale lui permit de s'inscrire
à la fondation protestante de Tübingen, le fameux
Stift, où il se lia d'amitié
avec deux de ses condisciples, qui allaient devenir, comme
lui, des figures imposantes de l'idéalisme allemand:
le poète Hölderlin et le philosophe Schelling.
Là, il acquit une solide formation en langues anciennes,
en histoire, en philosophie et en théologie. C'est
au Stift qu'il apprend la nouvelle
de la Révolution française, dont il devient
immédiatement, aux côtés de Hölderlin
et Schelling, un ardent défenseur. Bien que s'étant
présenté avec succès aux examens, Hegel,
comme Hölderlin et Schelling, refusera de devenir pasteur.
Il sera précepteur d'abord à Berne (de 1793
à 1796), puis à Francfort (de 1797 à
1800), où il rejoint Hölderlin. Durant cette période
de préceptorat, il écrit ses premiers textes,
qui ne seront pas publiés de son vivant: Religion
nationale et christianisme, Vie
de Jésus, La Positivité
de la religion chrétienne, L'Esprit
du christianisme et son destin.
Après la mort de son père en janvier 1799, et
grâce à l'héritage laissé par celui-ci
à ses trois enfants, Hegel part rejoindre Schelling
à Iéna, où il soutient en 1801 une thèse
latine intitulée De orbitiis planetarum
(Dissertation sur les orbites des planètes),
en laquelle il prend déjà quelques distances
avec la physique de Newton. Il devient alors Privat-docent,
puis professeur extraordinaire (en 1805) à la prestigieuse
université d'Iéna, qui, grâce à
l'enseignement de Reinhold et de Fichte, avait acquis la réputation
d'être en Allemagne à la fois un laboratoire
et un centre de diffusion des idées philosophiques
nouvelles issues de l'oeuvre de Kant. Ces vacations ne donnent
pas encore à Hegel la véritable reconnaissance
universitaire que signifierait l'attribution d'une chaire
d'enseignement. Cette période est cependant d'une extrême
fécondité et de la plus grande importance pour
la formation de son projet systématique. En 1801, il
publie son écrit sur la Différence
des systèmes de Fichte et de Schelling,
et en 1802-1803 de nombreux articles dans le Journal
critique de la philosophie, qu'il a fondé
avec Schelling, déjà en poste à l'université
d'Iéna. C'est également à Iéna
qu'il écrit son premier grand ouvrage, la Phénoménologie
de l'esprit, qui paraîtra en 1806.
Ayant perdu ses biens lors du pillage d'Iéna par les
troupes napoléoniennes, et cherchant à se sauver
d'une situation sentimentale complexe (en 1807 naissait son
fils naturel, Louis Fischer), Hegel accepte en 1808 de devenir,
sur la proposition de Niethammer, directeur du Gymnase de
Nuremberg en Bavière. C'est là qu'il esquissera
pour la première fois, dans son enseignement aux élèves
des grandes classes, une première vision d'ensemble
de son système. C'est aussi à Nuremberg qu'il
écrit et publie, en 1812 et 1816, son second grand
ouvrage, la Science de la logique. En
1811, il épouse la fille d'un patricien de Nuremberg,
Maria von Tucher, dont il aura deux enfants (Karl et Immanuel).
En 1816, à quarante-six ans, Hegel obtient enfin, à
Heidelberg, le poste de professeur d'université auquel
il pouvait déjà prétendre depuis longtemps.
Jouissant alors d'une reconnaissance grandissante, il publie
en 1817 un exposé de l'ensemble de son système:
le Précis de l'Encyclopédie des
sciences philosophiques. À la fin de
l'année 1817, Hegel devient professeur à l'université
de Berlin, où sa pensée connaîtra un rayonnement
sans pareil grâce à ses Leçons
sur la philosophie du droit, sur la philosophie de la religion,
sur l'esthétique, sur l'histoire de la philosophie
et la philosophie de l'histoire. De ces leçons, seules
seront publiées de son vivant, et sous son contrôle,
en 1821, les leçons sur le droit, sous le titre de
Principes de la philosophie du droit.
Hegel mourra à Berlin en novembre 1831. Il sera inhumé,
conformément à son voeu, à côté
de la tombe de Fichte.
Jean-Christophe Goddard, Professeur à l'Université
de Poitiers
Membre du Centre de Recherches sur Hegel et l'Idéalisme
Allemand de Poitiers
Hegel et l'hégélianisme,
Chapitre I, Dossier 1, pp. 6-7, Éditions A. Colin,
Paris, 1998, 95 pages
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