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H
E G E L (1770 - 1831)
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Ari Simhon
Hegel, Qui pense abstrait? Édition bilingue,
traduction inédite accompagnée d’une notice
explicative suivies d'un essai Hegel sans secret.
Hermann, 2007, 176 pages |
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Qui
pense abstrait?
est un « essai
» de Hegel qui n’a certes pas encore
livré tous ses mystères. On ne sait
toujours pas dans quel cadre et à quelle
fin il a été composé. On ne
sait pas même si Hegel l’a publié
de son vivant ou s’il n’est resté
qu’un brouillon, ou encore s’il a servi
de point de départ à un exposé
oral pour la bonne société de Bamberg.
Car c’est bien au début de la période
de Bamberg de l’auteur (1807-1808) où
celui-ci, après avoir quitté Iéna
envahi par les troupes napoléoniennes, est
rédacteur de la Bamberger Zeitung,
que ces pages, pleines de biffures, ont été
écrites, et non à Berlin comme on
l’a cru longtemps. Elles constituent une mise
au point sur ce qu’il faut entendre par «
abstrait » et montrent que « c’est
l’homme inculte, non le cultivé »,
l’homme du commun et non celui qui est élevé,
qui pense abstraitement. On peut alors lire ce texte
comme une ébauche de sociologie hégélienne,
mais présentée sur le mode du divertissement
et d’une certaine légèreté
rares chez Hegel.
Hegel sans secret. Malgré
les « secrets » de ce manuscrit de 1807,
Hegel est foncièrement un penseur de l’explicite
et sans secret, comme le montre l’essai du
traducteur sur l’exotérisme hégélien.
La philosophie de Hegel est réputée
difficile, certes, et Hegel qualifie même
parfois d’« ésotérique
» le contenu philosophique spéculatif.
Il n’en reste pas moins qu’à
ses yeux le spéculatif est le rationnel même
dans sa plus haute forme et que tout homme en tant
qu’homme, pour Hegel en tant que pensant,
est en-soi rationnel et peut, par son travail, le
devenir pleinement et accéder au spéculatif.
Autant dire que l’ésotérisme
hégélien est encore exotérique,
il est, si l’on veut, un ésotérisme
non-ésotérique, comme d’ailleurs
un mysticisme non-mystique, en tout cas n’est-il
pas de l’ordre du secret, de ce qui est caché,
mais est pleinement ouvert et suppose qu’on
s’ouvre à lui en retour. Nul besoin
alors, comme chez Schelling, de posséder
une faculté mystérieuse, une intuition
intellectuelle, afin d’y accéder, et
le secret de la philosophie de Hegel, à l’instar
de la Chose même, l’absolu qu’elle
prend en charge – ou qui se prend en charge
en elle –, est qu’elle n’a pas
de secret. |
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Table
Georg Wilhelm Friedrich Hegel,
Wer denkt abstract? / Qui pense
abstrait? (1807)
Texte allemand et traduction française
Notice explicative par Ari SimhonAri Simhon,
Hegel sans secret. L’exotérisme hégélien
ou le penser concret
Introduction : ésotérisme absolu et ésotérisme
relatif
I. LE CONFLIT AVEC SCHELLING COMME CONFLIT DE L’ÉSOTÉRISME
a- La proximité avec Schelling des premières
années à Iéna
b- La rupture publique avec Schelling
c- L’exotérisme absolu comme ésotérisme
anti-ésotérique
c-1 Platon et Héraclite sans secrets
c-2 La mysticité non-mystique de Hegel
II. L’EXOTÉRISME ABSOLU COMME ÉSOTÉRISME
RELATIF : LA QUESTION DE LA DIFFICULTÉ
a- Le plié et le déplié : le rapport
aux élèves (Hegel et Niethammer)
b- Le plié et le déplié : le rapport
au public (Hegel et Solger)
c- L’opinion comme critère du vrai
III. L’INDIVIDUALITÉ PHILOSOPHIQUE
a- Le philosophe en tant que non-philosophe : l’individu
individuel
b- L’individu philosophe en tant qu’individu non-individuel
: refus de l’humilité et de la génialité
c- Génialité et judéité
d- Scission et liaison du philosophe avec la société
e- Refus de «l’art d’écrire»
(L’art ésotérique d’écrire
selon Leo Strauss; refus de l’art ésotérique
d’écrire par Hegel)
f- Relativisation de l’exotérisme absolu?
IV. LA QUESTION DU DANGER
a- Le conflit de l’authenticité (Éric
Weil, Karl Heinz Ilting, Jacques D’Hondt)
b- La question de l’athéisme de Hegel
c- Du conflit de l’ésotérisme au conflit
du panthéisme
Conclusion. Bibliographie |
Lire
un extrait :
« Qui pense abstrait?
L’homme inculte, non pas le cultivé (…)
Pour appuyer ma proposition, je n’ai besoin que d’exemples
à propos desquels chacun conviendra qu’ils
la contiennent. Voici donc un assassin conduit à
l’échafaud. Pour le bas peuple, il n’est
rien d’autre qu’un assassin. Des dames hasarderont
peut-être la remarque qu’il est bien bâti,
beau, intéressant. Le même peuple trouvera
cette remarque atroce: «Quoi? beau, un assassin? Comment
peut-on être mal pensant au point de trouver beau
un assassin? C’est que vous ne valez guère
mieux vous-mêmes!»; «Voilà la corruption
des mœurs qui règne chez les gens distingués»,
ajoutera le prêtre qui connaît le fond des choses
et des cœurs.
Un connaisseur des hommes recherchera quel fut le chemin
suivi dans la formation du criminel, trouvera dans son histoire
une mauvaise éducation, des relations familiales
difficiles entre le père et la mère, quelque
excessive dureté à la suite d’un délit
mineur de cet homme et qui l’irrita contre l’ordre
social, un premier geste en retour contre cet ordre, qui
l’en expulsa et ne lui laissa désormais d’autre
possibilité que le crime pour se maintenir en vie.
Il peut bien se trouver des gens pour dire, en entendant
de pareilles choses : «celui-là veut excuser
l’assassin!». Je me souviens bien avoir entendu
dans ma jeunesse un bourgmestre se lamenter que les faiseurs
de livres poussaient trop loin, qu’ils cherchaient
à éradiquer complètement le christianisme
et l’honnêteté; un d’eux aurait
écrit une apologie du suicide: «affreux, vraiment
trop affreux!» – Questionné plus avant,
il résulta qu’il entendait Les souffrances
de Werther. », p. 13-15 |
Ari Simhon,
La préface de la Phénoménologie de
l’esprit de Hegel
De la Préface de 1807 aux Recherches de 1809
Ousia, 2003, 344 pages.
Ce que l’on désigne sous le titre de Préface
de la Phénoménologie de l’esprit ne constitue
pas un envoi ou une introduction à cette œuvre,
mais bien à l’ensemble du système hégélien.
La Préface de 1807 (date de sa publication) est avant
tout une mise au point exotérique sur le point de vue
spéculatif hégélien en tant qu’il
se démarque de l’abstraction schellingienne.
La Préface de 1807 envisage non pas seulement le vrai,
mais « la vraie figure de la vérité »
ou encore « le vrai dans la forme du vrai »,
tandis que Schelling envisage le vrai sous une forme non-vraie
puisque seulement intuitive et immédiate. Cependant,
si Hegel insiste sur la dimension conceptuelle de la philosophie
scientifique, le pénultième paragraphe de cette
Préface suggère, à l’instar du
néo-platonisme, que raison et sentiment, concept et
intuition ou même concept et extase doivent être
réconciliés, faisant ainsi du hégélianisme
un rationalisme mystique à la fois distinct d’un
rationalisme « froid » et d’un
mysticisme exalté critiqué sous le nom de Schwärmerei. |
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