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C'est grâce à
l'appui de Goethe que Fichte accéda en 1794 à
la chaire de philosophie, laissée vacante par Reinhold,
de la fameuse université d’léna. Le succès
de Fichte y fut immense, et ses premiers cours, consacrés
à la fondation de son système, parurent feuille
à feuille sous le titre d'Assise fondamentale de la doctrine
de la science.
Ce texte, plus couramment désigné comme la Doctrine
de la science de 1794, exerça une influence hors du commun
sur la philosophie allemande du XIXe siècle. Les premiers
disciples de Fichte s'appelaient Reinhold, Schelling, Frédéric
Schlegel, Novalis : Hölderlin se plongea si profondément
dans l'étude de la Doctrine de la science que sa pensée
en gardera tardivement la marque. Hegel, enfin, ne put inaugurer
son oeuvre propre sans repousser dans l'ombre la figure trop
lumineuse de Fichte, auquel il ne cessera cependant d'emprunter.
Lire un extrait : Situation
de l'Assise fondamentale de la doctrine de la science
dans l'oeuvre de Fichte |
Présentation de l’œuvre
L'Assise fondamentale de l'ensemble de la doctrine
de la science de 1794-1795 fut, jusqu'à
l'édition posthume de ses oeuvres par son fils (Immanuel
Hermann Fichte), la seule version publiée de la philosophie
première de Johann Gottlieb Fichte. Durant les décennies
où s'est forgé, dans une effervescence philosophique
exceptionnelle, le destin de ce qu'il est convenu d'appeler
l'idéalisme allemand, l'Assise fondamentale
de 1794 demeura, de ce fait, le principal et pratiquement
l'unique texte de référence fichtéen
avec lequel les fondateurs de la philosophie moderne allemande
entrèrent en discussion. Son influence sur la première
moitié du XIXe siècle fut aussi importante que
celle, par exemple, de la Critique de la faculté
de juger de Kant.
Il ne s'agit pourtant pas à proprement parler d'un
livre, mais d'abord d'un cours paru feuille à feuille,
de la mi-juin 1794 au début du mois d'août 1795,
en accompagnement de l'enseignement de Fichte à l'université
de Iéna où il venait d'être nommé
sur la chaire de philosophie kantienne. Un poste dont il sera
chassé par la Querelle de l'athéisme en 1799.
C'est sur ce seul texte, publié pour la seconde fois
chez deux éditeurs différents au début
de l'année 1802, que se sont basés tant l'enthousiasme
que les sévères réserves avec lesquels
non seulement, bien sûr, la philosophie de Fichte, mais
aussi la philosophie transcendantale kantienne, furent reçues
de Schelling, de Hegel, de Hölderlin et des romantiques
allemands. Être kantien, s'était être fichtéen
: plus que la Critique de la raison pure
ou la Critique de la raison pratique,
l'Assise fondamentale de 1794, par
la systématisation qu'elle opère des philosophies
théorique et pratique de Kant, paraissait la version
accomplie de la philosophie kantienne, hissée au niveau
d'une science par son disciple.
On ne saurait, ainsi, rien comprendre à l'hommage rendu
à la philosophie de Kant par Hegel (1), comme à
la réfutation qu'il en propose, sans avoir à
l'esprit l'interprétation de la Critique
de la raison pure délivrée par
l'Assise fondamentale, au moins
sur trois points décisifs :
1) la fondation de la connaissance dans l'unité originairement
synthétique du moi ou du je
(la théorie de l'aperception transcendantale) ;
2) l'application des concepts purs de l'entendement à
l'intuition sensible par le schématisme (la théorie
de l'imagination transcendantale) ;
3) l'antithétique de la raison pure exposée
dans la Dialectique transcendantale.
Puisqu'il ne nous est guère possible, ici, de mener
un commentaire exhaustif, nous nous limiterons au traitement
de ses trois points en examinant successivement :
1) la nature et la signification de l'affirmation du moi comme
premier principe de la Doctrine de la science (2) ;
2) la théorie fichtéenne de l'imagination comme
faculté de produire l'intuitionné et comme méthode(3)
;
3) le conflit de l'idéalisme et du réalisme
dogmatiques à quoi se ramène, pour Fichte, l'illusion
transcendantale (4).
Nous accorderons une place privilégiée à
l'interprétation du premier principe, qui commande
l'accès à l'ensemble du texte.
Mais il nous faut préalablement dire un mot de la place
de l'Assise fondamentale dans l'ensemble
de l'oeuvre philosophique de Fichte.
(1) Cf. notre Hegel et l’hégélianisme,
coll. « Synthèse », Armand Colin, 1998.
(2). Cf. infra, Plan et signification générale...,
I à VI.
(3). Cf. infra, Plan et signification générale...,
VII à IX.
(4). Cf. infra, Plan et signification générale...,
X.
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