Une difficulté antérieure
:
Avant de commencer l'étude de cette première
section, un des participants a souhaité revenir sur
une difficulté rencontrée dans la lecture de
l'introduction de La vie éthique au § 150.
La difficulté portait sur la conception de la vertu
telle qu'elle se dégage dans ce paragraphe et notamment
sur la remarque du § 150. Hegel explique que dans une
situation éthique donnée la vertu n'a de place
qu'à l'occasion d'événements extraordinaires
et notamment dans les conflits réels. Ensuite viennent
des considérations sur la liaison entre un état
primitif de la société et la vertu? avec une
référence étrange à Hercule.
On a éclairé ce passage en expliquant
que la vertu devait être comprise ici en son sens grec.
Il s'agit d'un exercice héroïque qui ne peut s'accommoder
des déclamations vides. C'est pourquoi Hegel la relie
à une réalité historique et politique,
mais aussi à une vision antique de la génialité
et de l'héroïsme dont Hercule a toujours été
le modèle, déjà pour les stoïciens.
Par ailleurs il fut rappelé que dans les Leçons
sur la philosophie de la religion, lorsque Hegel parle
d'Hercule, c'est pour dire qu'à force de travailler,
cet homme est devenu dieu. Ceci ne faisant que confirmer le
sens essentiellement grec de virtuosité ou de
perfection effective qu'on devait attribuer ici à la
notion de vertu qui faisait problème.
Lecture de la première
section : La famille.
Comme il avait été annoncé,
un des participants, Monsieur C. Michalewski, a choisi
de faire une rapide présentation de cette première
section pour engager la discussion. Il a d'abord rappelé
les conclusions du § 157. À l'intérieur
de ce moment qu'est La vie éthique s'effectue
une "objectivation" de plus en plus "subjective"
de l'esprit : la famille, la société civile,
l'État. En effet les réalités politiques
sont plus symboliques, moins réelles que les réalités
socio-économiques, celles-ci sont à leur tour
moins matérielles que les réalités charnelles
de la famille. Plus le milieu objectivant devient spirituel,
plus l'opposition qui naît dans ce milieu est redoutable:
la guerre est plus redoutable que les conflits économiques
et ceux-ci sont plus terribles que les disputes et les séparations
familiales. La contradiction la plus dure est donc spirituelle.
Introduction : §§ 158-160
La première "figure" de La
vie éthique c'est la famille. Elle est la présupposition
nécessaire de la société civile et de
l'État. Ainsi au § 255 on peut lire " Après
la famille, la corporation constitue la seconde racine éthique
de l'État, celle qui est fondée dans la société
civile. "
Trois remarques préalables :
a. Le caractère naturel
de la famille.
Au § 157 Hegel parle de " l'esprit éthique
immédiat ; la famille ".
L'esprit c'est le sujet communautaire, et la communauté
familiale, c'est la communauté la plus simple, la plus
immédiate et la moins développée. C'est
" la substantialité immédiate de l'esprit.
" § 158. La famille apparaît comme la forme
la plus immédiate de l'instance communautaire ou spirituelle.
C'est une sorte d'objectivité culturelle immédiate.
En outre la famille se vit à travers une forme de l'esprit
qui est elle-même immédiate : le sentiment. La
famille c'est l'esprit sentant. L'unité familiale se
construit autour du sentiment d'amour qui unit réciproquement
les membres. L'unité est ici naturelle car elle se
construit autour du sentiment d'amour. Elle est éloignée
de l'unité de l'État qui sera rationnelle. Ici
j'existe comme membre et non pas encore comme personne car
dans la famille, je ne vaux pas comme dans la société
civile en tant que personne indépendante, je ne vaux
que par un autre membre. La liaison est immédiate et
naturelle.
b. L'intimité
de la famille.
Cette famille, même si elle est abstraite et simple
en son contenu notamment par rapport à la société
civile et à l'État, n'est pas définie
de façon abstraite. Elle est une communauté
intime. Ce n'est pas la lignée. C'est la communauté
actuelle, restreinte aux parents et aux enfants (§ 172
addition).
Elle n'est donc pas une formation juridique réglementée
par le droit abstrait. Hegel n'envisage pas la famille comme
le lieu où s'affirme des individualités mais
plutôt des membres. Fondée sur le simple sentiment
d'amour, les individus qui composent la famille n'existent
que comme membres de la totalité familiale et non comme
des individualités autonomes et subjectives. C'est
la raison pour laquelle chacun est d'ailleurs lié à
tous les autres membres par des liens très forts de
nature affective. C'est donc bien plutôt le sentiment
qui est le fondement, le principe même de l'existence
de la famille et de sa durée mais en même temps
la raison de sa dissolution quand celui-ci viendra à
se distendre au moment du départ des enfants ou de
la mort des parents.
On peut ajouter à cela que les membres
de la famille ont sans doute des droits mais ce sont des droits
éthiques et non des droits au sens juridique du terme.
Les membres de la famille ne sont en aucun cas des personnes
les unes à l'égard des autres et c'est pourquoi
Hegel critique la conception kantienne et juridique de la
famille comprise sous une forme individualiste. " Le
mariage se trouve ainsi rabaissé au niveau d'un contrat
pour un usage réciproque. " (§ 161 addition).
Le lien familial est ici absolu ; il est sacralisé
à travers la pietàs, les pénates (§
163 remarque). Seule la famille est une personne et c'est
la raison pour laquelle il n'y a pas de droit dans la famille,
c'est-à-dire à l'intérieur d'elle-même.
Le droit sous sa forme juridique n'apparaît qu'au moment
de la dissolution de la famille (§ 159).
c. Le caractère apolitique de la famille.
Si le principe de la famille (le sentiment) s'oppose au principe
de la différence, du calcul qui régle la société
civile, la famille diffère aussi dans son principe
de l'État. " Dans l'État, l'amour n'a pas
sa place, car dans l'État on est conscient de l'unité
en tant qu'unité de la loi ; dans l'État, le
contenu doit être rationnel et il faut que je le connaisse
" (§ 158 addition). Ainsi à la différence
d'Aristote, Hegel n'intègre pas la famille à
l'État. Elle doit son être de l'État mais
elle n'est pas de l'État (§ 182 addition). On
ne peut composer l'État à partir de familles
parce que l'État n'est pas composé de familles.
L'homme apprend à l'intérieur de la famille
à agir pour la communauté, indirectement elle
nous apprend le sentiment patriotique mais, en elle-même,
elle n'a rien d'étatique et de politique.
À la suite de ces trois remarques, Hegel
explique (§ 160) que la famille considérée
en elle-même se développe en trois moments
: Elle est d'abord en sa "constitution" et
son origine mariage (§§ 161-169). Puis elle
connaît une double "objectivation"
(§§ 170-180). C'est la forme objective qui est d'abord
établie : elle prend la forme du bien ou de la propriété
familiale (§§ 170-172). C'est ensuite la forme subjective
: elle prend la forme de l'enfant produit de l'amour
des parents (§§ 173-180).
Les trois moments ou aspects de la famille sont donc les suivants
: I. Le mariage. II. La propriété et le bien
de la famille. III. L'éducation des enfants.
A. Le mariage : §§ 161- 169.
Le mariage comme rapport éthique immédiat
(§ 161)
Hegel insiste sur le fait que le mariage est un lien qui met
en jeu l'union sexuelle, l'amour et l'unité objective
des liens du mariage sous la forme de l'engagement libre.
a) Le mariage comme liaison d'un élément
naturel et d'un élément spirituel.
Le mariage est une unité contradictoire puisqu'il
rassemble en lui un premier élément qui est
naturel. Ce lien naturel relève de la sphère
organique de l'union des sexes et nous renvoie à la
sexualité et à la survie de l'espèce.
Il y a cependant un second élément qui appartient
à la conscience de soi puisque c'est le moment spirituel
fondé sur une réciprocité affective.
Il s'agit ici de l'amour conscient de soi et non plus du simple
désir. Ce qui permet de dire que le mariage n'est pas
une simple relation sexuelle et naturelle comme dans le monde
animal où ce qui est en jeu c'est la simple survie
de l'espèce sous la forme de la reproduction. Il s'agit
ici d'une relation qui est en même temps culturelle
et c'est pourquoi Hegel considère le mariage comme
une relation éthique. Il s'agit de voir que dans le
mariage il y a une sorte de croisement de la nature et de
la culture. Pourtant sexualité et amour ne suffisent
pas et Hegel ne se prive pas de critiquer ceux qui ramènent
le mariage à l'un des deux aspects. Il n'est pas à
considérer sous son simple aspect biologique ou physique.
Il n'est pas non plus simple sentiment d'amour car le sentiment
amoureux est pris dans la variation de la contingence (§
161 addition).
b) Le mariage est donc un lien éthique.
Il faut donc un troisième moment dans lequel l'instinct
et l'amour s'intègrent dans une unité plus solide
et objective. C'est la relation éthique du mariage.
Ce lien éthique est divinisé et s'exprime dans
les " pénates " (§ 163 remarque). Il
constitue le socle de la famille.
1. Le mariage est un libre engagement.
C'est dans les §§ 162-163, que le philosophe
approfondit le caractère éthique du mariage.
Il ne s'agit pas de voir en lui l'aspect subjectif de son
point de départ fréquent : l'attrait réciproque
et partagé de deux individualités différentes
ou même la convenance des parents qui arrangent un mariage
entre leurs enfants. Tous ces aspects sont inessentiels car
ils sont contingents et dépendent des murs, des
coutumes, des époques ou des lieux. Ce qui en constitue
plutôt la base objective, essentielle et logiquement
nécessaire c'est le " libre consentement de chacun
des époux " à former une nouvelle unité
plus haute et éthique puisque les deux individus en
perdant leur autonomie naturelle ou leur volonté immédiate
acquièrent " leur conscience de soi substantielle
" qui est aussi " leur libération ".
Dans la remarque du § 162 Hegel examine
les différents points de départ, tout en sachant
que l'important dans le mariage est le résultat. Il
compare l'entrée par le désir ou bien par l'arrangement
des parents. Il semble préférer l'arrangement
parental au prétexte que l'autre mode d'entrée
dans le mariage est beaucoup plus singulier et contingent
que le premier. Il faut selon lui que le mariage réunisse
les deux aspects mais ce qui doit être premier c'est
la décision de se marier et l'inclination ne doit en
être que la conséquence car elle est l'élément
le plus subjectif et sans doute le moins spirituel dans la
mesure où il nous renvoie au débordement des
passions.
C'est pourquoi Hegel insiste sur l'élément
éthique du mariage qui consiste dans la conscience
de cette unité comme d'un but substantiel. Le mariage
satisfait donc un but qui est celui de réaliser une
intimité fondée sur l'amour, la confiance et
la communauté de toute l'existence individuelle. Il
ne s'agit de vivre une individualité étroite
et étriquée mais de se réaliser réciproquement
dans un vivre ensemble. Hegel veut compenser la frénésie
de l'individualisme moderne en faisant revenir le thème
de la pensée antique (l'unité substantielle).
C'est pourquoi le penchant naturel (sexuel) est rabaissé
tandis que le lien spirituel est élevé. Aussi
convient-il à présent d'établir la différence
entre " le libre engagement réciproque des époux
" et le contrat juridique. C'est l'objet de la remarque
du § 163 dans laquelle Hegel critique la théorie
kantienne du mariage compris comme contrat. Le contrat est
en effet une forme antérieure d'engagement juridique
de deux personnes indépendantes sur un objet. Le mariage,
comme lien éthique, dépasse ou relève
le contrat qui ne repose que sur la contingence du libre arbitre
de deux individus, lesquels ne s'accordent que ponctuellement
sur l'échange d'une chose extérieure. Cette
intimité de la vie familiale issue du mariage la rend
propre à l'essor des sentiments spirituels et notamment
de la piété religieuse qui honore les pénates
ou les dieux lares. Hegel nous renvoie donc aux conceptions
les plus anciennes et traditionnelles du mariage mais critique
une vision abstraite qui trouverait le fondement du mariage
dans l'amour platonique ou bien encore dans l'amour monastique
dans la mesure où on sépare ici le lien conjugal
de son élément naturel (par exemple dans l'union
mystique avec le divin).
2. La parole donnée : fondement du
lien éthique et du libre accord (§ 164).
Pourtant ce lien du mariage, s'il n'est pas un contrat
juridique, a besoin d'être reconnu sous la forme de
la parole donnée et reçue dans le consentement
mutuel. De cette façon il est en effet reconnu par
le cercle familial et par la collectivité. Le mariage
ne peut donc pas être réduit à un simple
partage des sentiments d'amour entre deux êtres. Il
doit s'accompagner d'une parole qui fonde objectivement la
communauté. Il est en effet impossible de fonder sur
un élément affectif fragile, instable et contingent,
une telle communauté. C'est la parole, élément
spirituel, qui donne l'ancrage solide que ne peut donner le
sentiment.
3. Le mariage est un lien éthique absolu
(§§ 167-168).
Non seulement toute la vie de l'homme et de la femme
doit être prise dans l'unité éthique du
mariage (§ 164) mais le mariage est essentiellement monogamique
(§ 167). C'est dans un cadre monogamique que la partie
subjective de la substantialité (à savoir l'intimité)
peut être vraie et complète dans la mesure où
elle est réciproquement partagée. Ce qui justifie
en outre cette forme monogame du mariage c'est le fait que
chacun est reconnu comme une personne par l'autre et que la
relation est fondée sur la confiance réciproque.
Un homme ou une femme ne pourrait en effet maintenir cette
intimité indivisible entre plusieurs personnes. L'absoluité
de l'union éthique du mariage exige des époux
l'abandon total de leur existence totale (§ 168). C'est
aussi en raison du fait qu'il est une union éthique
que le mariage ne peut être une union entre consanguins.
" Le mariage entre parents de même sang est en
contradiction avec le concept selon lequel le mariage est
une action éthique libre " (§ 168). Si la
polygamie brise la totalité selon laquelle chacun doit
se retrouver dans l'autre, la proximité dans l'alliance
ne peut pas non plus constituer une totalité éthique.
L'union éthique du mariage ne sera intense que si la
différence entre les deux êtres qui s'unissent
est grande. Deux êtres rapprochés par la nature
ne peuvent donc établir qu'une simple unité
naturelle. Or, on le sait, le mariage constitue une unité
éthique et non simplement naturelle.
4. Le sens éthique de la différence
sexuelle (§§165-166).
La différence naturelle des sexes reçoit
enfin dans le mariage un sens éthique. Hegel explicite
ici le fait que dans le mariage la différence sexuelle
et naturelle des sexes se transpose sous la forme d'une unité
concrète et complémentaire qui acquiert une
signification éthique. Il remarque en effet que la
détermination naturelle des deux sexes acquiert à
présent une signification intellectuelle et morale,
pour tout dire spirituelle.
Dans le mariage en tant que communauté
éthique, la différence des sexes se manifeste
dans une répartition naturelle des tâches. L'homme
est posé comme l'élément directeur (il
a la conscience de soi de la pensée qui conçoit
et le vouloir du but objectif final). C'est la raison pour
laquelle il aura la charge du patrimoine et de sa gestion.
Mais il est tourné aussi vers l'extérieur et
l'activité. La femme est l'élément passif
et subjectif de la substance éthique et correspond
à la piété. On pense au culte du foyer
ou d'Hestia. C'est l'élément qui demeure et
qui se replie sur l'intimité de la vie familiale. C'est
pourquoi si l'homme est du côté de la pensée
et du vouloir, la femme est du côté du sentiment.
La différence éthique entre le masculin et le
féminin c'est la différence entre l'activité
tournée vers le dehors (le travail et la vie sociale)
et celle tournée vers le dedans (le culte familial,
les pénates, l'éducation).
B. Le patrimoine familial (§§ 170-172).
On a vu que la famille est une communauté
éthique fondée sur l'engagement réciproque
de deux personnes pour constituer une unité supérieure
qui dépasse la simple existence individuelle et séparée.
Mais elle a besoin de biens destinés à assurer
la continuité et la durée de cet engagement
réciproque. Il s'agit cependant non pas d'une propriété
privée fondée sur le besoin particulier d'un
individu et sur son désir mais d'une propriété
commune qui appartienne sans distinction à tous les
membres. C'est le patrimoine qui joue cette fonction, bien
familial qui permet d'assurer la subsistance et de maintenir
ensemble tous les membres de la famille. C'est en effet comme
" membre " de la famille que chacun travaille et
acquiert des biens en participant à la communauté
familiale. L'appropriation devient ici une activité
éthique et si le chef de famille est responsable des
biens, il n'en est pas pour autant le propriétaire.
Ainsi Hegel se sépare ici du droit prussien : un contrat
ne saurait venir limiter la communauté des biens. Pourtant
cette notion de patrimoine familial permanent va entrer en
contradiction avec la dissolution de la famille dont il sera
question plus tard. C'est la raison pour laquelle c'est l'ordre
juridique de la société civile qui réglera
les problèmes qui se posent à l'intérieur
de la communauté familiale sous la forme du code de
la famille par exemple. Ces règles juridiques permettront
d'assurer la permanence de la vie familiale dans le temps.
Nous sommes donc en présence avec le patrimoine
d'une propriété communautaire sinon collective.
Chacun des membres, sous l'autorité du chef de famille,
c'est-à-dire du père, en assure sa constitution
et son développement. Pourtant lors des conflits avec
les autres familles, Hegel attribue au chef de famille un
rôle plus important. Il représente la famille
dans le conflit. C'est cette notion de représentation
vis-à-vis de l'extérieur qui lui confère
l'autorité et il devient alors le gestionnaire de cette
communauté où chaque membre possède un
droit. (§ 171). D'où les conflits possibles entre
les membres et le gestionnaire paternel en raison de la fragilité
(immédiateté spirituelle) de la base familiale.
Ce moment éthique est fragile parce qu'il est encore
fondé sur la nature et notamment le sentiment. Cependant
l'unité conjugale n'est pas vraiment manifestée
dans le patrimoine familial. Elle doit " s'objectiver
" dans un " objet " qui soit en même
temps un " sujet " : l'enfant.
C. L'éducation des enfants et la dissolution de
la famille (§§ 173-180).
a) L'éducation des enfants (§§
173-175).
Le mariage est à la fois substantiellement intériorité
et disposition affective mais en même temps union de
deux êtres séparés. C'est l'existence
des enfants qui est la solution de cette contradiction. Car
l'enfant est dans la famille l'unité vivante de l'amour
des parents, l'expression réelle et effective de cet
amour. Chacun aime l'autre dans l'enfant. L'enfant est le
produit de cet amour et en même temps une manifestation
de la survie du couple (§ 173).
Le but de la famille c'est de permettre le passage
de la naturalité de l'existence immédiate de
l'enfance à l'existence libre de la personne en soi
et pour soi. C'est là le rôle de l'éducation.
Elle a pour fonction de faire passer une volonté immédiate
et désirante, par conséquent toute proche de
la nature, à l'universalité du vouloir. D'où
le rôle décisif pour Hegel de la discipline et
de la correction dans l'éducation de l'enfant. Celui-ci
découvre la sanction parce que sa liberté toute
naturelle doit être relevée en vue de l'universel
(§ 174).
L'enfant n'est libre qu'en soi. Il n'est pas
la propriété des parents. Il lui reste à
le devenir pour soi. Le rôle des parents, c'est de préparer
l'enfant à devenir une personne libre et indépendante.
L'éducation doit donc considérer l'enfant comme
un être en devenir adulte. C'est pourquoi elle rencontre
nécessairement la contradiction dans le milieu familial.
Si dans un premier temps l'éducation apparaît
sous une forme aimable et positive, elle doit cependant prendre
nécessairement une forme négative puisqu'il
s'agit de faire sortir les enfants de leur immédiateté
naturelle et non de les maintenir par une pédagogie
puérile dans le domaine de l'enfance dont ils souhaitent
sortir (§ 175).
Conclusion :
Le temps nous a manqué pour poursuivre
l'étude des derniers paragraphes sur la dissolution
de la famille qui peut prendre trois formes. Une forme artificielle
(le divorce § 176), une forme éthique (le départ
des enfants § 177) ou bien une forme naturelle (la mort
des parents et les questions de l'héritage (§§
178-180).
Néanmoins dans le courant de la discussion
nous avons évoqué le passage de la famille à
la société civile (§ 181).
La famille correspond dans la vie éthique
au moment immédiat de l'être. Lorsque chaque
famille fait apparaître sa singularité et sa
particularité, alors surgit la différence. Le
moment immédiat de la vie éthique que représente
la famille se perd dans la triple dissolution qu'on vient
d'évoquer. C'est le moment où l'essence apparaît
sous la forme phénoménale. Cette apparition
phénoménale va prendre alors la forme de la
société civile.
Jean-Jacques Jolly
Czeslaw Michalewski
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