Définition :
Proposée à la radio par Alain Rey
: Francer Inter, le 23 octobre 2003, à 8h57 : "Le
mot de la fin"
"Il m'a semblé que le mot
école n'était pas sans enseignement.
L'école, tout le monde en convient, représente un
enjeu essentiel pour toute société car elle dessine
son avenir. Le mot évoque un certain nombre
de transformations humaines absolument nécessaires. L'enseignement
qui parle de « signes », l'éducation
qui parle de « conduite » (du latin
ducere) tout comme pédagogie,
l'instruction qui organise les esprits, la formation,
enfin, et l'apprentissage. Car, tout élève
est un apprenant.
L'école est une contrainte pour les écoliers et même
pour les maîtres car elle suppose un minimum de discipline
sous peine de fonctionner de plus en plus mal. Elle ne se borne
pas à apprendre mais a pour mission, mission impossible on
peut le craindre, de transformer les jeunes en
citoyens, adultes et conscients. Elle peut concerner des presque
bébés, l'école joliment dite maternelle,
et de grands surdoués intellectuels: l'École
des Hautes Études en Sciences Sociales, par exemple.
Ce sont des "Grandes Écoles”.
Ces écoles dites "Normales ”, d'"Administration",
sont des établissements qui, on le sait, fournissent à
la France ses dirigeants, que cela plaise ou non.
Cependant, lorsque l'on prononce ces deux syllabes « école
», il s'agit surtout de l'enseignement des
enfants et de l'institution qui s'en charge. Ecole
publique, républicaine, laïque, à
côté de l'école libre, parfois
confessionnelle, mais il faut que tout cela s'arrange entre soi.
Pour les intéressés, l'école s'oppose aux vacances
et aux loisirs. Mais c'est vrai, que l'on est surpris
lorsque l'on apprend que le mot grec « scholè
» d'où viennent les mots du latin « schola
» et du nom « école »,
ne s'appliquait pas d'abord au travail et aux contraintes mais tout
d'abord , au contraire, aux loisirs.
On comprend que dans l'Antiquité, le travail des esclaves
et des paysans, et des artisans était une obligation absolue
et ne laissait aucun loisir, précisément. Ceux, enfants,
philosophes qui avaient la chance d'avoir un temps libre rendaient
seuls possible l'école, le loisir intelligent
et formateur. En somme, la première école était
par nature buissonnière. Cette origine n'est pas si absurde.
Elle dit que l'école est un luxe lié
à un niveau de vie acceptable et à une certaine liberté.
Elle dit que les sociétés qui ont le loisir, c'est
à dire la permission, du latin « lisere
», de former leur jeunesse, se porteront mieux que les autres.
Elle dit que l'école ménage un espace de liberté
et même de jeu. « Lodus » était le lieu
de jeu mais aussi l'école élémentaire, à
côté du règne de l'intérêt matériel.
Quand l'école se dégrade, c'est la liberté
et l'avenir qui trinquent."
Alain Rey
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