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Jean Salem ,
Professeur de Philosophie à l'Université de Paris I - Sorbonne


Épicure, Lettres
Nathan, coll. Les Intégrales de Philo, 2e édition, 1998.

Extraits : Préface - Concepts clés - Glossaire ...


Le Glossaire :


Âme (psuchè), Affection (pathos), Aponie (aponia), Appréhension immédiate de la pensée (ou représentation intuitive de la pensée) (phantastikè épibolè tès dianïoas), Ataraxie (ataraxia), Atôme (atomos ou stoïcheion), Canonique (kanonikon), Catastématique, Choc (plègè), Critère de la vérité (kriterion), Déclinaison (parenklisis), Dieux (théoï), Éthique (éthikon), Évidence (énargeïa), Indépendance (autarkeïa), Intermondes (métacosmia), Météores (météôra), Minimum dans l'atôme (to en tè atomo élachiston), Monde (cosmos), Non-infirmation (ouk antima...?), Opinion (doxa), Pesanteur (baros), Physique (phusikon), Plaisir (hédonè), Prénotion (prolepsis), Processus de dégénération (antanaplèrosis), Sécurité (sphaleïa), Sensation (aïsthésis), Simulacres (iedôlon), Univers (to pan), Vide (kénon).



AME (psuchê): C'est un corps, formé d'atomes très petits, très lisses et très ronds, qui s'entre-gênent ainsi le moins possible. Elle est formée de quatre éléments: chaleur, souffle, air (celui-ci est absent du § 63 de la Lettre à Hérodote) et «élément sans nom» (ce dernier est le principe non seulement des plus hautes opérations intellectuelles, mais aussi de la sensibilité). Voyez aussi le Scholie du § 66 de la Lettre à Hérodote.

AFFECTION (pathos): Il y a deux espèces d'affection: le plaisir et la douleur. Les affections sont critères de vérité, parce qu'elles sont règles de vie: elles nous renseignent en effet sur un objet, en nous apprenant s'il peut s'accorder ou non avec notre nature.

APONIE (aponia): Absence de souffrance. C'est le plaisir stable du corps; celui de l'âme est l'ataraxie.

APPRÉHENSION IMMÉDIATE DE LA PENSEE

(ou REPRÉSENTATION INTUITIVE DE LA PENSÉE)
(phantastiké épibolè tès dianoias):
Equivalant probablement à l'injectus animiprojection de l'esprit») de Lucrèce, cette expression obscure désigne sans doute le procédé par lequel nous visualisons mentalement l'invisible, et – en particulier – les atomes. (M. Conche pense, de son côté, qu'il s'agit plutôt d'une sorte de «sensation de la pensée», du type de celle que nous éprouverions en étant atteints, sans le truchement des sens, par les simulacres des dieux).

ATARAXIE
(ataraxia): Absence de trouble. Le sage y aspire, car c'est le plaisir stable de l'âme (on traduit parfois: «tranquillité d'âme»).

ATOME (atomos; ou : stoïchéion), littéralement: élément): Elément insécable et immuable à partir duquel sont formés les corps composés.

CANONIQUE (kanonikon): C'est, avec la physique et l'éthique, une des trois parties de la philosophie. Elle s'occupe principalement de déterminer quels sont les critères de la vérité.
N.B.: On reconnaît dans ce mot la racine kanôn, règle, norme, qui désignait à l'origine – comme d'ailleurs le mot latin norma – une règle de bois à l'usage des charpentiers et des maçons, qui s'en servaient comme d'un niveau.

CATASTÉMATIQUE
: cf. PLAISIR

CHOC (plègè): Une des trois causes possibles du mouvement des atomes, – avec la pesanteur et la déclinaison.

CRITÈRE DE LA VERITÉ
(kritèrion): Il y a quatre critères de la vérité qui sont:
les sensations;
les prénotions (ou notions, ou prolepses, ou encore anticipations),
les affections, c'est-à-dire le plaisir et la douleur,
les appréhensions immédiates de la pensée.
Tous les critères se ramènent en fin de compte au premier d'entre eux: la sensation, qui est toujours vraie. Le faux jugement et l'erreur résident toujours dans ce qui est ajouté par l'opinion (cf. Lettre à Hérodote, § 50).

DÉCLINAISON (parenklisis): Une des trois causes possibles du mouvement des atomes – avec la pesanteur et les chocs. C'est un mouvement spontané, totalement indéterminé par (lequel l'atome s'écarterait très légèrement de sa ligne de chute: sans ce mouvement spontané de l'atome notre liberté, dira Lucrèce, serait inexplicable.
N.B.: Nulle part dans les œuvres d'Epicure qui nous sont parvenues, il ne parle lui-même de la déclinaison.

DIEUX (théoï): Ils sont composés d'atomes. Ils séjourneraient dans les intermondes. Ils ne gouvernent pas les mouvements des astres et ne se soucient pas des affaires des hommes.

ETHIQUE (éthikon): Une des trois parties de la philosophie (avec la canonique et la physique). Elle écarte les vaines opinions et les vaines terreurs; elle enseigne la sagesse, qui nous fait discerner «ce qu'il faut choisir» et «ce qu'il faut éviter» (Lettre à Ménécée, § 132).

ÉVIDENCE
(énargeïa): C'est la certitude que procure la sensation, ou ce qui en dérive (c'est-à-dire l'un des autres critères de la vérité).

INDÉPENDANCE (autarkeia): Elle est le fait du sage qui, tel un dieu, sait se suffire à lui-même.

INTERMONDES
(métacosmia): Espaces situés entre les mondes. Ils seraient composés d'une matière très subtile, l'éther – tout comme leurs nobles habitants: les dieux.

MÉTÉORES (météôra): Phénomènes atmosphériques ou astronomiques que la philosophie doit tâcher de réduire à des causes naturelles, sous peine de laisser l'âme en proie à l'étonnement et aux craintes les plus vaines. Ces phénomènes font l'objet essentiel de la Lettre à Pythoclès.

MINIMUM DANS L'ATOME (to en té atomô élachistón): C'est la minima pars (la petite partie »), dont parle Lucrèce. Tout atome contient un nombre entier de minima. Tous les minima sont égaux. Ceux-ci n'existent jamais à l'état séparé.
N.B.: Les minima sont des grandeurs physiques, et non des points mathématiques.

MONDE (cosmos): C'est «une enveloppe céleste entourant les astres, la terre et tous les phénomène», une enveloppe (les «murailles du monde» de Lucrèce), la limite. (Cf. Lettre à Pythoclès, § 88). Notre monde est mortel: il périra. Les mondes existent en nombre infini dans l'univers.

NON-INFIRMATION

(ouk-antimarturésis): Démonstration par l'absurde qui rattache à ce qui paraît avec évidence (par exemple, l'existence du mouvement) une affirmation portant sur les choses invisibles (ici: « le vide existe »).

OPINION
(doxa; ou plutôt: prosdoxadzomenon: mot à mot: «ce qui est ajouté par l'opinion»). A la différence des sensations, les opinions ne sont pas toutes vraies: autrement dit, c'est toujours de l'opinion que naît l'erreur.

PESANTEUR (baros): Une des trois causes possibles du mouvement des atomes (avec les chocs et la déclinaison). Malgré leurs différences de poids, les atomes tomberont à la même vitesse dans le vide. Les mouvements obliques, consécutifs aux chocs, se font également à cette même vitesse – qui est insurpassable.

PHYSIQUE (phusikon): Une des trois parties de la philosophie - avec la canonique et l'éthique. Si nous n'étions pas sujets à de vaines craintes, nous n'aurions pas besoin de la physique; mais, puisque nous y sommes sujets, il n'est pas possible d'avoir des plaisirs purs sans l'étude de la nature (Cf. Maximes fondamentales XI et XII.)

PLAISIR (hédonè): C'est une affection, qui constitue l'un des critères de la vérité (voir ce mot). Epicure considère que le plaisir est le souverain bien; mais il n'entend pas par là un plaisir «en mouvement», mêlé de tension; l'ataraxie consiste en un plaisir stable (ou catestématique, katastematiken).

PRÉNOTION (prolepsis): C'est une sorte d'idée – ou plutôt d'image – générale, un souvenir de ce qui s'est souvent présenté à nous dans l'expérience: «une sensation plusieurs fois répétée laisse en nous une empreinte et elle nous donne la possibilité de devancer la sensation en fonction des empreintes qu'ont laissées en nous des sensations antérieures semblables» (Brun, L'épicurisme. p. 43).

PROCESSUS DE RÉGÉNÉRATION

(antanaplèrôsis): D'où vient que les corps sensibles ne s'évanouissent pas, ne « fondent » pas très rapidement, s'ils ne cessent de laisser s'échapper des simulacres de leur surface? — C'est qu'une continuelle réparation des pertes a lieu, par capture de nouveaux atomes dans le milieu environnant: ce processus de régénération compense plus ou moins les pertes que subit le composé (Lettre à Hérodote, § 48).

SÉCURITÉ (asphaleïa): Le sage doit être assuré de sa sécurité vis-à-vis des autres hommes.

SENSATION (aïsthésis): C'est, par excellence, le critère de la vérité: pour le sensualisme épicurien, elle ne peut qu'être vraie. Elle est toujours pensée par Epicure sur le mode du toucher: un certain nombre d'atomes de l'objet lui-même viennent frapper mes yeux, mes oreilles…

SIMULACRES (eidôlon): Fines pellicules d'atomes conservant la configuration générale des objets et émanant d'eux sans interruption. Leur accumulation sur nos yeux pendant un même instant sensible produit une image (phantasia). (Dans le mot eidôlon, on reconnaît la racine qui donne le français: idole, idée, etc., en passant par le latin: videre, voir.)
N.B.: Non seulement la vue et les autres sens, mais aussi la pensée supposent que « quelque chose des objets extérieurs pénètre en nous» (Lettre à Hérodote, § 49).

UNIVERS
(to pan, littéralement: le tout): 11 est infini et renferme les mondes, qui sont en nombre infini. Tout ce qui est (l'univers), est corps ou vide.

VIDE (kénon): On prouve son existence par la méthode de non-infirmation: sans le vide, le mouvement des atomes et des corps sensibles serait impossible.
N.B.: Dans l'éthique, c'est le même mot qui est traduit en français par: vain (kénè doxa: opinion vaine; mot à mot: opinion vide).

Autres extraits de l'ouvrage :

Concepts clés
- Préface, par Marcel Conche

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