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Marie VILLETELLE,
Élève au lycée Jean-Pierre
Vernant, à Sèvres, Mon
expérience du projet Europe, Éducation,
École (Format
PDF)
L'école, dès sa création,
a été pensée comme un moyen
d'enraciner dans l’esprit des élèves
le sentiment d'appartenance à une identité,
à l'identité française,
patriotique, voire un peu chauvine. À
maintes reprises on a pu même reprocher
à l'institution scolaire de s'appuyer
sur une ambiguïté et faire en son
sein une sorte de propagande, en transformant
les « instituteurs » en «
hussards noirs » de la République.
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Comment alors donner naissance, et ensuite l’amarrer
à une identité européenne commune,
à la jeunesse d’aujourd’hui, -
sans laquelle l’Europe politique ne pourra jamais
voir le jour - et ce, sans avoir recours aux méthodes,
qui ont servi à façonner l'identité
française ? C'est peut-être ce à
quoi le projet
Europe,
Éducation, École tente de répondre.
En effet, ce dernier ne cherche pas à enraciner
l’appartenance européenne des jeunes
dans quelques justifications théoriques, certes
très belles, mais abstraites, ou dans quelques
circonstances particulières, qui ne correspondent
pas toujours à la réalité partagée
par tous, comme par exemple, lorsque l'on définit
le sentiment d'intégration à Europe
par référence à son histoire
chrétienne – sentiment qui ne correspond
plus à la réalité d’une
France multiculturelle et laïque, contrairement
à ce qu’on peut encore dire aujourd’hui,
par exemple, de la Pologne. Le projet
Europe,
Éducation, École s'appuie résolument
sur une expérience commune, concrète,
ayant lieu au sein de cette institution remarquable,
qui touche tous les jeunes européens et qui
les rassemble, je veux parler de l'école. C'est
à travers le prisme de ma propre expérience,
faite dans le cadre du projet européen porté
par le
Club
Philo du lycée de Sèvres, que j’ai
pris conscience de ce qu'était réellement
le fait d’être européenne et de
se reconnaître comme telle.
Faire entrer l'Europe dans l'école, tel est
l'idée innovante, dont nous avons bénéficié.
Cette ambition a eu pour résultat d'élargir
notre horizon; en effet, l'école, qui d'ordinaire
prend le parti de l'abstraction face à la réalité
changeante, et travestit parfois
l'ennui
en quelque chose comme une
objectivité,
dans le cadre de ce projet a eu un beau rôle,
celui de nous faire découvrir que nous sommes
concitoyens avec d’autres européens.
Alors que les manuels d'histoire et les programmes
scolaires ne sont pas encore axés sur la connaissance
de nos voisins, nous, dans le cadre de nos
séances
hebdomadaires TICE et de nos
visioconférences
annuelles, avons pu les rencontrer, leur parler
et travailler avec eux en raiseau. Alors que la philosophie
est souvent enseignée selon l'unique axe franco-allemand,
nous, nous avons découvert, par exemple, le
philosophe tchèque
Jan
Patocka. Faire entrer l'Europe dans l'école,
cela nous a permis de vivifier nos savoirs, de les
enrichir, et il serait intéressant de pousser
cette expérience plus loin encore.
En un an, nous avons rencontré des professeurs
de classe préparatoire en
séances
hebdomadaires TICE en classe eTwinning et des
professeurs d'université, avec un ambassadeur,
en
conférences-débats
diffusée sur internet en
visioconférences.
En un an, le projet E.E.E. nous a permis d'approcher
des manières de réfléchir très
différentes de l'esprit de notre programme,
parfois oppressant en classe terminale, et de construire
notre avenir avec plus de sérénité.
Je dois dire que cette expérience m'a poussé
à tenter une Classe Préparatoire aux
Grandes Écoles, et m'a permis de m'y intégrer
plus aisément. J'ai pris conscience, par ailleurs,
que mon désir de voyager en Europe était
réalisable, et beaucoup d'entre nous ont choisi
de privilégier des
cursus européens,
ou envisagent une expérience avec
Erasmus.
Ce projet est donc un point de départ, voir
une rampe de lancement pour nos envies d'Europe, qui
passent du rêve à la réalité.
Dès le Moyen Âge, la philosophie a été
dynamisée par l'Europe, et le projet Eu
rope,
Éducation, École en est un prolongement.
À présent, grâce aux nouvelles
technologies, notre accès à ces savoirs
est instantané. Mais le projet
Europe,
Éducation, École fera un pas
en avant considérable, lorsque nous ne serons
plus seulement émetteurs, mais aussi récepteurs
des séances TICE et des conférences-débats.
Et j'attends avec curiosité l'occasion d'entendre
nos partenaires slovaques ou tchèques, pour
ne citer qu'eux, combler nos lacunes en ce qui concerne
la littérature ou la philosophie enseignées
dans leur pays.
Nous avons non seulement été confrontés
à la réalité de l'Europe et à
ses espoirs, mais aussi à ses limites. Nous
avons peu à peu quitté nos carapaces
d'idées préconçues et éprouvé
la réalité. Devons-nous échanger
en anglais, voire en esperanto, avec tous nos partenaires,
ou faire l'effort de traduire une langue que nous
ne parlons pas. Le projet soulève bien des
passions et suscite bien des débats, même
si ceux-ci ont parfois démontré que
nous étions bloqués sur nos positions.
Le dialogue n'est pas toujours facile, mais il est
rendu possible, et c'est déjà un grand
pas.
Mais construire l'Europe, c'est avant tout travailer
en commun. C'est le travail en groupe, que privilégie
en premier lieu le projet Eur
ope, Éducation,
École. C'est oeuvrer ensemble lors d'évènements
de taille, qui a permis à chacun de nous de
participer selon nos centres d'intérêt,
nos envies, nos talents. Certains se sont trouvé
des capacités dans l'accueil des invités,
d'autres se sont découvert des talents de coordonnateurs,
d'organisateurs, ou encore d'orateurs, mais, pour
finir, c'est lorsque nous avons tous réellement
mis du nôtre, comme lors de la
journée
européenne marquée par un blocus
du lycée par des lycéens en avril 2008,
que les évènements ont pu véritablement
réussir.
Pour conclure, et en proposant des pistes d'avenir
pour que ce qui a été une expérience
bénéfique pour nous se prolonge, on
peut rêver d'élargir l'horizon des conférenciers.
Et le progrès technologique, qui sera un allier
essentiel de la poursuite des échanges, devrait
permettre qu’un jour, nous aussi, nous entendions
des conférenciers d'autres nationalités.
Quitte à ce que l'intervention soit publiée
en français quelque jours auparavant afin de
mieux suivre. Ensuite, élargir le public concerné
serait un atout pour dynamiser ce projet. En effet,
si certaines classes terminales n'ont que le bac en
tête, des secondes pourraient être enthousiasmées
par l'idée d'un échange philosophique
européen, qui leur serait certainement profitable.
D'autre part, ouvrir grand les portes du lycée
à des élèves d'autres établissements,
à un public mixte, jeunes et adultes partageant
en commun un intérêt pour l'Europe, pour
la philosophie, peut être une belle perspective
d'avenir. Faire entrer l'Europe dans le lycée,
c'est faire entrer le monde, et comment élargir
l'esprit de jeunes gens, s’ils sont mis en permanence
dans la position d'élève. Nous confronter
à la réalité du monde, qui est
celle de l'échange des rôles, c'est faire
grandir plus vite les élèves. Aussi,
aujourd'hui, lorsque je vous parle, ma voix compte
autant que celle d'un autre, adulte ou jeune, professeur
ou élève. Car il ne fait aucun doute
que nous sommes tous des citoyens européens
et nous le devenons plus vite, lorsque des projets
comme celui-ci nous permettent d’agir.
Je finirais, en remerciant Monsieur Michalewski, qui
est responsable de ce projet. En effet, sans son dynamisme
et sa motivation, ce projet n'aurait pu voir le jour
et se développer. Mais parler de l'avenir,
c'est envisager une suite. Il faudrait dès
aujourd'hui motiver de nouveaux engagements, afin
que cette initiative ne subisse pas le sort de tant
d'autres, qui périssent suite à un changement
de personne. C'est pourquoi, j'espère que le
partenariat signé aujourd’hui avec
Les
Amis de Sèvres va faire en sorte,
que ce qui fut pour moi, pour nous, une expérience
riche, soit une chance pour les générations
futures. Car si l'Europe se conjugue au présent,
c'est en construisant l'avenir que nous la ferons
progresser.
Marie Villetelle
Sèvres, le 20 janvier 2009