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Frédéric LENOIR

Frédéric Lenoir est philosophe, sociologue et historien des religions. Docteur de l’EHESS, il est chercheur associé au Centre d’Etudes Interdisciplinaire du Fait Religieux (CNRS/EHESS) et directeur de la rédaction du magazine Le Monde des religions.

Il est invité des Soirées Philo le 12 février 2008, à 20h45, au Sel, à Sèvres, pour une conférence-débat sur le thème : Le christianisme n'est pas seulement une religion.

Il est l’auteur d’essais remarqués (La Rencontre du bouddhisme et de l’Occident, Les métamorphoses de Dieu), de romans historiques à succès (La Promesse de l’ange, L’Oracle della Luna) et a co-dirigé plusieurs encyclopédies, dont l’Encyclopédie des religions et Le Livre des sagesses.

Ses ouvrages sont traduits dans une vingtaine de langues.


Site :http://www.fredericlenoir.com/
Entretien : Ultramodernité du spirituel

Lire : Frédéric LENOIR, Le Christ philosophe, 312 pages, Plon, 2007
Dieu est-il mort en Europe ? Le christianisme est-il condamné à disparaître dans la modernité occidentale ? La crise historique sans précédent des Eglises peut le laisser penser. Mais le christianisme peut-il se réduire à ses formes religieuses et institutionnelles ?

Selon une idée communément admise, notre monde est devenu chrétien au IVe siècle avec la conversion de l’empereur Constantin, et a cessé progressivement de l’être depuis la Renaissance et les Lumières. Frédéric Lenoir récuse cette idée et défend ici la thèse exactement inverse : le christianisme n’est pas d’abord une religion, avec ses dogmes, ses sacrements et son clergé ; c’est avant tout une spiritualité personnelle et une éthique à portée universelle. Loin d’avoir perdu la bataille des idées, le message du Christ imprègne donc en profondeur nos sociétés laïques et sécularisées et la voie spirituelle chrétienne redevient davantage affaire d’individus touchée par la personne du Christ et par son message que de dogmes et de piété collective.

Dégageant avec clarté les traits originaux de la spiritualité chrétienne et les grands principes éthiques de l’enseignement du Christ - égalité de tous les êtres humains, valorisation de la femme, fraternité humaine, amour du prochain, liberté de l’individu, séparation du politique et du religieux – Frédéric Lenoir nous fait relire les Evangiles d’un œil neuf et montre leur étonnante modernité. Il nous raconte aussi le destin paradoxal du christianisme, éclairant d’une manière nouvelle les débats sur les racines chrétiennes de l’Europe, le choc des civilisations ou l’avenir du christianisme dans notre monde sécularisé.
Disponible : Librairie Anagramme à Sèvres, tél. : 01 45 34 04 64
Compte-rendu d'Henri Tincq, Le monde des livres, du 20 décembre 2007

Lire un extrait du Prologue, pp.21-23 :
"...Un mot à propos du titre quelque peu paradoxal du livre : Le Christ philosophe. Comment peut-on associer la philosophie, discipline qui renvoie dans notre univers culturel à la connaissance par les seuls efforts de la raison, au « Christ », personnage qui a délivré son message en référence constante à Dieu? L'objection est évidente, et je l'accepte pleinement. La philosophie chrétienne est, à strictement parler, un non-sens. Lorsqu'elle se lie à la foi, la philosophie devient servante de la théologie et perd son statut de philosophie. En même temps, le message de Jésus peut être lu à plusieurs niveaux. On a Surtout retenu la dimension religieuse: Jésus est un réformateur du judaïsme ou le fondateur de la religion chrétienne. En réalité, le Christ a surtout initié une nouvelle voie spirituelle fondée sur la rencontre avec sa propre personne. Mais il a aussi transmis un enseignement éthique à portée universelle : non-violence, égale dignité de tous les êtres humains, justice et partage, primat de l'individu sur le groupe et importance de sa liberté de choix, séparation du politique et du religieux, amour du prochain allant jusqu'au pardon et à l'amour des ennemis. Cet enseignement est fondé sur la révélation d'un Dieu amour et s'inscrit donc dans une perspective transcendante. Il n'en demeure pas moins qu'il s'inscrit aussi dans une profonde rationalité. Ce message éthique est une véritable sagesse, au sens où l'entendaient les philosophes grecs. À telle enseigne que les philosophes des Lumières sont parvenus à émanciper les sociétés européennes de l'emprise des Églises en prenant appui sur cet enseignement, leur projet rationnel d'une morale laïque et des droits de l'homme apparaissant finalement comme une éthique chrétienne sans Dieu et décléricalisée. Pour bien faire apparaître dans le titre de cet ouvrage le fait que j'entendais présenter au lecteur le message le plus universel du Christ, une sagesse qui dépasse largement le cercle des croyants et le catéchisme des Églises, il m'est apparu opportun de présenter le Christ sous les trait du philosophe. Car n'est-il pas tout à la fois un prophète juif, un thaumaturge et un grand sage dans la ligné du Bouddha et de Socrate? Les croyants ajouteront : Fils de Dieu.

Je ne suis pas le premier, bien évidemment, à considérer le Christ aussi comme un philosophe et à parler de son message le plus universel comme d'une philosophie. J'ai découvert la formule « philosophie du Christ » il y a quelques années, sous la plume d'Érasme. J'écrivais un roman (13) dont l'action se situe au XVIe siècle et je cherchais un modèle historique pour l'un de mes personnages, emblématique de l'humanisme de la Renaissance. La figure d'Érasme s'est naturellement imposée. Je n'avais fait que survoler sa pensée lors de mes études de philosophie. Je me suis donc plongé dans ses oeuvres complètes. Comme presque tous les penseurs de son époque, Érasme est inclassable selon nos catégories universitaires actuelles: né aux Pays-Bas, mais ayant inlassablement parcouru l'Europe, profondément catholique et viscéralement anticlérical, à la fois philosophe, théologien, grammairien, pamphlétaire, il affirme qu'on ne peut sérieusement étudier le Nouveau Testament sans parler le grec, le latin et l'hébreu! Bref, c'est un érudit touche-à-tout qui entendait embrasser le savoir universel… ce qui était presque encore possible à son époque. Il utilise pour la première fois cette formule de « philosophie du Christ » - qu'il emprunte aux pères apologistes alexandrins du ne siècle - dans une lettre à Paul Volz. Il évoque un projet de pédagogie humaniste qui viserait à rendre accessible l'essentiel du christianisme sans avoir recours à tous les arguments théologiques qui le compliquent : la philosophie du Christ.

Le présent ouvrage commençait à germer dans mon esprit et j'ai songé que la partie consacrée à l'exposé du message fondamental de Jésus - par-delà les expressions et les commentaires théologiques qui l'alourdissent - faisait bien écho au projet d'Érasme. De plus, la référence à Érasme sonne juste par rapport à mon propos, qui consiste à montrer comment la parole évangélique est revenue se planter au coeur de la modernité dans une perspective humaniste..."
Lire : Texte intégral du Prologue (format PDF, 168 Ko)
TABLE : Prologue. Jésus face au Grand Inquisiteur, Une incroyable perversion, Chrétienté contre christianisme, L' « anticléricalisme » du Christ, Le Christ philosophe, Une biographie incertaine, un message révolutionnaire
I. L'histoire de Jésus et le Jésus de l'Histoire.
Quand l'exégèse devient une science
Les sources non chrétiennes
Flavius Josèphe
Tacite et Pline le Jeune
Le Talmud de Babylone

Les sources chrétiennes
Les écrits canoniques
Les écrits apocryphes
Les critères d'authenticité

La vie de Jésus
La Palestine au temps de Jésus
Une famille juive
Le prédicateur itinérant
Un sacré caractère
Le thaumaturge
La passion
Les apparitions du Ressuscité

II. La philosophie du Christ
La spiritualité du Christ
Viens et suis-moi
Les paradoxes du Royaume
Donner un sens à la souffrance
L'éthique du Christ
L'égalité
La liberté de l'individu
L'émancipation de la femme
La justice sociale
La séparation des pouvoirs
La non-violence et le pardon
L'amour du prochain

La personne humaine

III. Naissance du christianisme
Jésus et le judaïsme
Trois gestes nouveaux
De Jésus au Christ
La première Église
Paul de Tarse
Le Logos divin
Les querelles christologiques
Les martyrs
La fin des persécutions et la théologie trinitaire

IV. Une société chrétienne
La religion officielle
Une nouvelle cohésion sociale
L'Église orthodoxe d'Orient
La contre-offensive chrétienne
Le monachisme: sauvegarde de l'idéal évangélique et de la culture
L'Église et le pouvoir
L'Europe chrétienne
Les réformes clunisienne et grégorienne
La Trêve de Dieu
Pauvreté et charité
Essor de la culture et fondation des universités.
Réforme cistercienne et naissance des ordres mendiants

L'Église, bras armé du Christ
Augustin et la guerre juste
Les croisades
Raison et foi
La lutte contre les hérésies
L'Inquisition
Les Indiens ont-ils une âme?
La controverse de Valladolid

V. De l'humanisme chrétien à l'humanisme athée
L'humanisme de la Renaissance et la Réforme
Liberté et connaissance
La Réforme protestante

L'humanisme des Lumières
Monde moderne contre Tradition
Raison critique et autonomie du sujet
Des Lumières croyantes et laïques
La morale kantienne

L'humanisme athée
Comte : la religion comme aliénation intellectuelle
Feuerbach: la religion comme aliénation anthropologique
Marx: la religion comme aliénation économique
Freud: la religion comme aliénation psychique


VI. La matrice du monde moderne
Histoire et progrès
Naissance de l'idée moderne de progrès
Essor et critique du mythe du progrès
Origine religieuse de la notion de progrès :
histoire du salut et millénarisme

La raison
Nietzsche et les meurtriers de Dieu
Max Weber et la rationalisation
La raison interrogative

La question des « racines chrétiennes » de l'Europe
L'Église catholique et le monde moderne
La condamnation des idées modernes
Le concile Vatican II
Une difficile remise en cause


VII. Que reste-t-il de chrétien en nous?
Le christianisme dans la modernité
Pluralisme et scepticisme
La foi sens dessus dessous
Le retour des certitudes

Les chrétiens cultuels
Appartenir à une Église
Croire
Pratiquer
La religiosité des Etats-Unis

Les chrétiens culturels
Une culture imprégnée de christianisme
Après Jésus-Christ
Les fêtes chrétiennes.
Parler chrétien.
L'art chrétien

Le christianisme invisible


Épilogue. Jésus face à ta femme samaritaine
Drôle d'endroit pour une rencontre
« Si tu savais le don de Dieu »
Quelle est la religion vraie?
De la religion extérieure à la spiritualité intérieure
Adorer en esprit et en vérité
Difficile liberté
Seul l'amour est digne de foi
La subversion du message christique
Une philosophie de la non-puissance
Avenir du christianisme en Occident

Remerciements

Lire un extrait du Prologue (en préparation...)